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geaient jusqu’en 1863 : « je m’effraye. . . en pensant qu’à 35 ans, je ne serai guère<br />
plus avancé que maintenant » (4 juil<strong>le</strong>t 1856).<br />
Il demandait ainsi des commentaires sur ses pièces à Genevois, à son père, au<br />
maire de Nantes, même à son docteur, mais souvent <strong>le</strong>s résultats <strong>le</strong> décevaient. Ses<br />
pièces s’améliorant, il continua d’espérer : il annonça que si une tentative particulière<br />
échouait, « il faudra bien croire que <strong>le</strong> diab<strong>le</strong> ou la fatalité s’en mê<strong>le</strong>nt » (27 juin<br />
1856) – sur <strong>le</strong>quel la pièce en question échoua roya<strong>le</strong>ment.<br />
À l’âge de 28 ans, après huit années passées à Paris, <strong>le</strong> vide de sa vie amoureuse<br />
et professionnel<strong>le</strong> <strong>le</strong> déprimait. Ayant connu de nombreuses infatuations à briser <strong>le</strong><br />
cœur, il n’avait jamais été vraiment amoureux. Les relations entre <strong>le</strong>s sexes dans ses<br />
œuvres des années 1850 oscil<strong>le</strong>nt entre absence tota<strong>le</strong> et assauts satiriques, voire physiques.<br />
Seu<strong>le</strong>ment cinq de ses huit nouvel<strong>le</strong>s avaient paru. Dans <strong>le</strong>s cinq on observe la<br />
même difficulté à faire démarrer <strong>le</strong>s choses – comme la carrière de Verne. De ses 26<br />
pièces, seu<strong>le</strong>ment trois avaient brillé sous <strong>le</strong>s feux de la rampe. Après une décennie<br />
d’efforts et 300.000 mots rédigés, il gagnait moins de 100 F. par mois, ayant besoin de<br />
500 F. pour vivre 2 . Il était effectivement chômeur et dépendait de Pierre, qui continuait<br />
à corriger ses manuscrits et même ses <strong>le</strong>ttres.<br />
Et pourtant il ne céda pas. Quand un ami de théâtre, ayant remarqué son découragement,<br />
lui avait dit vers 1853-1854 que Paris et la vie de bohème ne lui convenaient<br />
pas, Verne ignora simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> conseil 3 . Il restait déterminé à réussir dans la littérature<br />
: « c’est un art avec <strong>le</strong>quel je me suis identifié, et que je n’abandonnerai jamais »<br />
(29 mai 1856).<br />
Son objectif resta malheureusement caché sous l’horizon. Nous pouvons maintenant<br />
voir que presque tous <strong>le</strong>s thèmes et structures des Voyages extraordinaires étaient<br />
déjà en place, mais <strong>le</strong> fil directeur restait diffici<strong>le</strong> à trouver : peut-être un simp<strong>le</strong> exutoire<br />
pour ses ta<strong>le</strong>nts. Il commença même à discerner la révolution intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> à venir<br />
: « J’étudie encore plus que je ne travail<strong>le</strong> ; car j’aperçois des systèmes nouveaux »<br />
(19 avril 1854).<br />
Verne avait déjà expérimenté différents genres, sty<strong>le</strong>s, sujets – tout cela pour sortir<br />
du cyc<strong>le</strong> de composition, rejet et accumulation de manuscrits jaunissants. Pour <strong>le</strong><br />
moment, néanmoins, seul dans sa chambre, « candidat surnuméraire à la littérature »<br />
(27 juin 56), sa vie était pourtant bien sombre.<br />
À l’âge de 28 Ju<strong>le</strong>s Verne n’avait apparemment jamais connu de liaison norma<strong>le</strong><br />
avec une femme. Dans sa tête, <strong>le</strong> mariage, la sexualité sans joie et l’adultère<br />
s’équivalaient 4 . Une analogie systématique s’établissait entre noce et inhumation,<br />
blanc virginal et noir funèbre, perte d’hymen et perte de vie 5 .<br />
2 Volker Dehs, Ju<strong>le</strong>s Verne (Düsseldorf : Artemis & Wink<strong>le</strong>r 2005), p. 484, calcu<strong>le</strong><br />
que <strong>le</strong> revenu officiel accumulé de Verne de ses pièces et opéras en 1861 est de 2.650 F ; 4<br />
juil. 1856.<br />
3 Kenneth Allott, Ju<strong>le</strong>s Verne, Londres : The Cresset Press 1940, p. 31.<br />
4 Par exemp<strong>le</strong> dans une <strong>le</strong>ttre à Genevois (5 nov. 1854 in BSJV, n° 151 (2004), p. 10).<br />
5 Quand son ami et médecin, Victor Marcé, convo<strong>le</strong> il écrit : « je me suis rendu à<br />
Saint-Germain-des-Prés pour assister aux obsèques. . . J’ai été singulièrement ému<br />
quand j’ai vu s’avancer <strong>le</strong> cortège funèbre » (17 avr. 1856).<br />
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