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Lire le livre - Ibiblio

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<strong>le</strong>s derniers secours de la religion. Le sentiment qui se dégage de cette composition est<br />

irrésistib<strong>le</strong> et en fait l’une des œuvres <strong>le</strong>s plus remarquab<strong>le</strong>s du Salon.<br />

Le tab<strong>le</strong>au de M. Luminais représente un Pè<strong>le</strong>rinage ; ne vous attendez pas à voir<br />

une troupe de pè<strong>le</strong>rins se rendant à Sainte-Anne-d’Auray, ni même un rassemb<strong>le</strong>ment<br />

de paysans autour d’un calvaire de la Bretagne ; il n’est besoin ni de tant de bruit ni de<br />

tant de mouvement pour reproduire un sentiment : un petit enfant a été miracu<strong>le</strong>usement<br />

ramené à la vie, grâce quelque sainte bretonne. Son père l’a donc pris dans ses<br />

bras, et, suivi de sa jeune femme, il est parti pour <strong>le</strong> présenter à sa protectrice ; sa petite<br />

fil<strong>le</strong> l’accompagne, tenant ses sabots à la main ; voilà tout ; plus loin, un vieillard à<br />

cheval, quelque aïeul peut-être, fait l’aumône à un pauvre qui court après lui ; la tendresse<br />

du père, la façon charmante et craintive dont il porte son enfant, la marche précipitée<br />

de la petite fil<strong>le</strong> qui ne veut pas rester en arrière, l’amour maternel empreint sur<br />

<strong>le</strong>s traits de la jeune femme, tout est rendu avec un ta<strong>le</strong>nt large, profond et sérieux ; la<br />

cou<strong>le</strong>ur de cette toi<strong>le</strong> est juste, heureuse, bretonne, s’il est permis de s’exprimer ainsi,<br />

car la Bretagne a une cou<strong>le</strong>ur à el<strong>le</strong>, dont M. Luminais a <strong>le</strong> rare et magnifique secret.<br />

Nous ne pouvons louer davantage ce tab<strong>le</strong>au, qu’en constatant un succès franc et sympathique<br />

qu’il partage avec <strong>le</strong> Viatique de M. Duveau. Voilà deux œuvres vraies, bonnes<br />

et consciencieuses, qui suffiraient au besoin à illustrer une exposition d’art.<br />

M. Alfred Stevens 5 a donné quatre toi<strong>le</strong>s dans la manière réaliste : voici <strong>le</strong> sujet<br />

de cel<strong>le</strong> qui semb<strong>le</strong> plaire universel<strong>le</strong>ment, et qu’il appel<strong>le</strong> Consolation 6 : une dame et<br />

sa fil<strong>le</strong>, vêtues de noir, sont en visite et reçues au salon par une jeune fil<strong>le</strong>, une amie ;<br />

cel<strong>le</strong>-ci tient la main de la dame en deuil qui se couvre <strong>le</strong> visage ; el<strong>le</strong> p<strong>le</strong>ure la mort<br />

de son fils, sans doute ; je dis son fils, car en voyant ce tab<strong>le</strong>au, je me rappel<strong>le</strong> involontairement<br />

quelques scènes de la Joie fait peur 7 . M. Stevens réussit avec beaucoup<br />

de ta<strong>le</strong>nt ces sujets si simp<strong>le</strong>s auxquels il donne un indicib<strong>le</strong> attachement ; il est impossib<strong>le</strong><br />

de ne pas se reporter à quelque situation semblab<strong>le</strong> où l’on s’est trouvé ; il<br />

semb<strong>le</strong> que l’on connaisse cette jeune fil<strong>le</strong> qui p<strong>le</strong>ure, cette jeune fil<strong>le</strong> qui conso<strong>le</strong>, et<br />

5 Alfred Stevens (1823-1906), belge, discip<strong>le</strong> de Camil<strong>le</strong> Roqueplan, peintre de femmes.<br />

« On n’a pas assez loué chez Stevens l’harmonie distinguée et bizarre des tons »<br />

(BAUDELAIRE, p. 525). « L’Été et Chez soi sont deux jolies compositions d’intérieur. . .<br />

[Dans] Petite Industrie <strong>le</strong> décor, c’est un coin de rue où s’ouvrent un magasin de modes<br />

et une boutique d’orfèvrerie. . . deux malheureuses éta<strong>le</strong>nt une humb<strong>le</strong> misère. . . [La]<br />

fil<strong>le</strong>, grelottante et mal couverte, accroupie et resserrée sur el<strong>le</strong>-même, laisse voir sa figure<br />

do<strong>le</strong>nte, ses mains gonflées et ses pieds insuffisamment défendus par des souliers<br />

trop troués » (DU CAMP, pp. 93-95). « M. Alfred Stevens aborde franchement la peinture<br />

de la vie, trop franchement peut-être, puisqu’il lui arrive parfois, comme dans La Petite<br />

industrie, de dépasser l’objet de son art et de s’aventurer sur <strong>le</strong>s terres de la littérature. . .<br />

Consolation a obtenu un succès très mérité. . . [mais] La Petite Industrie. . . est déclamatoire<br />

et en dehors de la peinture » (CASTAGNARY, pp. 55-56).<br />

6 Dans un salon contemporain, orné d’une grande tapisserie et meublé d’un canapé<br />

en soie jaune, trois femmes sont assises ; l’une, vêtue de mousseline blanche, reçoit deux<br />

amies en grand deuil, une mère et une fil<strong>le</strong>. « La Consolation est à bon titre un des lions<br />

de l’exposition actuel<strong>le</strong> » (CASTAGNARY, p. 55). « La meil<strong>le</strong>ure chose qu’Alfred ait encore<br />

faite, selon moi ; il y oublie <strong>le</strong> ton un peu sourd et charbonneux de sa manière habituel<strong>le</strong><br />

» (NADAR, p. 54).<br />

7 Comédie en un acte (1854), de Delphine de Girardin (1804-1855), femme du journaliste<br />

et dramaturge, Émi<strong>le</strong> de Girardin, que Verne voit à l’Assemblée en 1848, lors du<br />

débat de l’arrestation de celui-ci, et auquel il a été présenté, <strong>le</strong> 10 ou <strong>le</strong> 17 février 1849.<br />

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