L'ÉGLISE FINISTÈRE - Diocèse de Quimper et du Léon
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Un pèlerinage <strong>de</strong> Basse-Br<strong>et</strong>agne<br />
La Troménie <strong>de</strong> Locronan<br />
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Parmi Jes fêtes religieuses ou pardons <strong>de</strong> Basse-Br<strong>et</strong>agne se distingue la<br />
troménie <strong>de</strong> Locronan, <strong>de</strong> tradition immémoriale <strong>et</strong> toujours bien vivante. Ce<br />
tour processionnel d'anciennes terres monastiques - en br<strong>et</strong>on : tro minihi -<br />
se déroule en Cornouaille, sur le site d'une cité ciselée dans le granité, là où<br />
les <strong>de</strong>rniers contreforts <strong>de</strong> la Montagne noire <strong>et</strong> le Ménez-Hom enserrent la<br />
baie <strong>de</strong> Douarnenez.<br />
Depuis <strong>de</strong>s siècles, tous les six ans, <strong>du</strong>rant la <strong>de</strong>uxième semaine <strong>de</strong> juill<strong>et</strong><br />
<strong>et</strong> les dimanches qui l'encadrent, la gran<strong>de</strong> troménie rassemble <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong><br />
fidèles venus <strong>de</strong> partout <strong>et</strong> <strong>de</strong>s délégations paroissiales avec leurs bannières.<br />
La célébration consiste en une longue procession <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> trois lieues, non<br />
pas pour un aller-r<strong>et</strong>our, mais pour un circuit autour <strong>de</strong> la montagne <strong>de</strong> Plas*<br />
a-Horn, avec l'église Saint-Ronan au départ <strong>et</strong> au terme. La marche suit l'orbite<br />
apparente <strong>du</strong> soleil, <strong>du</strong> nord vers l'est, puis le sud <strong>et</strong> l'ouest, en un parcours<br />
que la tradition orale a fixé précisément par d'anciens chemins ou<br />
sentiers frayés tous les six ans, à travers taillis, ruisseaux, cultures, Couvrant<br />
un passage entre les sillons <strong>de</strong> pommes <strong>de</strong> terre ou fendant la mer <strong>de</strong>s épis<br />
d|orge. Douze croix <strong>de</strong> pierre marquent autant <strong>de</strong> haltes pour la proclamation<br />
d'évangiles notés dans un rituel ancien. Une quarantaine <strong>de</strong> huttes <strong>de</strong> branchages,<br />
habitées huit jours <strong>du</strong>rant, par <strong>de</strong>s statues <strong>de</strong> saints, représentants<br />
<strong>de</strong>s églises <strong>et</strong> chapelles alentour, sont dressées au long <strong>du</strong> parcours.<br />
A l'intonation <strong>du</strong> «Veni Creator», la procession déroule son long cortège <strong>et</strong>,<br />
bannières déployées, au chant <strong>de</strong>s cantiques, à la prière <strong>du</strong> chapel<strong>et</strong>, <strong>de</strong>s litanies,<br />
en latin, français <strong>et</strong> br<strong>et</strong>on, s'achemine sur les confins <strong>de</strong> l'antique<br />
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Archives diocésaines <strong>de</strong> <strong>Quimper</strong> <strong>et</strong> <strong>Léon</strong><br />
prieuré, au long <strong>de</strong>s terres <strong>de</strong> Plonévez <strong>et</strong> Quéménéven ; on s'agenouille au<br />
pied <strong>de</strong> Plas-a-Horn avant d'en gravir la pente abrupte pour atteindre, sur la<br />
hauteur dominant la baie dè Douarnenez, la chapelle «Ar Zonj» dont on fait<br />
le tour avant d'y déposer les reliques ; après un temps <strong>de</strong> repos, une prédication<br />
sur le site, la procession reprend par la crête <strong>de</strong> Plogonnec <strong>et</strong> après<br />
les <strong>de</strong>rnières stations d'Évangile, le passage près <strong>du</strong> flanc <strong>de</strong> la «Jument <strong>de</strong><br />
pierre», elle re<strong>de</strong>scend jusqu'à l'église pour le Te Deum, le salut <strong>du</strong> Saint<br />
Sacrement, <strong>et</strong> les <strong>de</strong>rniers cantiques à saint Ronan.<br />
Origines pré-chrétiennes <strong>et</strong> sacralisation <strong>de</strong> l'espace <strong>et</strong> <strong>du</strong> temps<br />
L'origine <strong>de</strong> ce rite fidèlement observé par les pèlerins d'aujourd'hui est<br />
sans doute antérieure à l'évangélisation armoricaine. Un bois <strong>et</strong> une seigneurie<br />
<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te région portent le nom <strong>de</strong> Név<strong>et</strong>, issu <strong>de</strong> nem<strong>et</strong>on-cercle, dénomination<br />
<strong>du</strong> temple naturel celtique, formé d'une clairière sous la coupole<br />
céleste, où les arbres puissamment enracinés dressent leur cime aérienne<br />
pour former l'échelle symbolique entre ciel <strong>et</strong> terre.<br />
Alentour <strong>de</strong>s pierres <strong>de</strong> fécondité dont subsiste, couchée dans la lan<strong>de</strong>, le<br />
mégalithe qu'on nomme «gazec ven» ou «jument <strong>de</strong> pierre», ont pu jalonner<br />
les déambulations lustrales, dont la troménie a pris le relais, tout comme les<br />
fontaines sacrées ont hérité <strong>du</strong> culte païen <strong>de</strong>s eaux.<br />
La configuration <strong>du</strong> parcours en un symbole <strong>du</strong> carré terrestre <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses<br />
points cardinaux, image universelle <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> créé <strong>et</strong> régi par la divinité,<br />
témoigne <strong>de</strong> ces origines reculées. Le tracé répond à la course astrale, à l'alternance<br />
<strong>de</strong>s saisons, <strong>de</strong> la nuit <strong>et</strong> <strong>du</strong> jour, au passage <strong>de</strong>s ténèbres à la<br />
lumière qui, en langage chrétien, annonce la venue <strong>du</strong> Verbe, lumière <strong>du</strong><br />
mon<strong>de</strong>. Outre son tracé, le chemin rituel passant <strong>du</strong> niveau <strong>de</strong>s eaux au somm<strong>et</strong><br />
<strong>du</strong> Ménez Lokorn pour re<strong>de</strong>scendre ensuite sacralise la montagne,<br />
réplique <strong>du</strong> Sinaï, <strong>du</strong> Thabor, <strong>de</strong> Sion <strong>et</strong> <strong>du</strong> Golgotha, où se rencontre Dieu.<br />
Quant à la sacralisation <strong>du</strong> temps liée aussi à l'ordre cosmique, elle se<br />
marque par un calendrier propre. Au lieu d'être annuel, le cycle rituel ne se<br />
repro<strong>du</strong>it que toutes les sixièmes années, après le passage d'un lustre. La<br />
symbolique <strong>du</strong> nombre 7 est plus universelle ; si bien que malgré la continuité<br />
<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pratique attestée tous les six ans par les plus anciens registres, ceux<br />
qui la consignèrent fidèlement la qualifient souvent <strong>de</strong> rite septennal par<br />
conformité à un schéma plus familier.<br />
Évangélisation <strong>et</strong> patronage <strong>de</strong> saint Ronan<br />
Un jour, le lieu sacré <strong>et</strong> la conjuration rituelle <strong>de</strong>s forces cosmiques sont<br />
<strong>de</strong>venus un lieu mémoire <strong>de</strong>s origines chrétiennes. L'évangélisation <strong>du</strong> pays<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses sites a été attribuée à saint Ronan, un évêque itinérant irlandais, <strong>du</strong><br />
«X e ou x e siècle, dont une vie latine <strong>du</strong> XIII* siècle rapporte les faits <strong>et</strong> gestes. Il<br />
a attaché son nom <strong>et</strong> son histoire à Locronan <strong>et</strong> à la troménie. Pour garantir<br />
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