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L'ÉGLISE FINISTÈRE - Diocèse de Quimper et du Léon

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Une messe a été célébrée le 24 mars 2001, en l'église <strong>de</strong> Locronan, en<br />

mémoire <strong>de</strong> Jean Bazaine. Extrait <strong>de</strong> l'homélie <strong>de</strong> M. l'abbé Maurice D.lasser :<br />

Sans faire <strong>du</strong> métier <strong>de</strong> l'artiste une exception, une mission unique, il faut<br />

le reconnaître, le don <strong>de</strong> refléter ce qu'il y a <strong>de</strong> plus beau dans le mon<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

dans l'homme est privilégié. Plus sensible que d'autres, son regard saisit la<br />

qualité <strong>de</strong>s êtres qui l'environnent. Par sa maîtrise <strong>de</strong>s mots, <strong>de</strong>s sons <strong>de</strong>s<br />

formes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s couleurs il sait faire partager c<strong>et</strong>te découverte émerveillée.<br />

L'artiste dispose <strong>du</strong> don d'évoquer l'invisible, <strong>de</strong> révéler un au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

choses <strong>et</strong> <strong>de</strong>s biens matériels, un accès désintéressé non pas à l'avoir mais<br />

à l'être. Mais l'exercice <strong>de</strong> c<strong>et</strong> art qui vient <strong>du</strong> plus profond <strong>et</strong> <strong>du</strong> plus intime<br />

<strong>de</strong> son être ne va pas sans souffrance, sans détachement <strong>de</strong> soi.<br />

Jean Bazaine fa éprouvé, dans sa longue vie <strong>de</strong> peintre. Doué d'une délicate<br />

sensibilité, d'une vision intérieure <strong>et</strong> d'un rare talent <strong>de</strong> l'exprimer, aussi<br />

bien par la plume que par le pinceau, il a écrit son expérience dans «Le<br />

Temps <strong>de</strong> la peinture» : ce qu'il a toujours ressenti <strong>de</strong>vant le désert <strong>de</strong> la toile<br />

blanche à la fois un vi<strong>de</strong> intérieur <strong>et</strong> un chaos <strong>de</strong> sollicitations <strong>de</strong> la beauté<br />

environnante. Alors trait après trait, une touche commandant l'autre, avec<br />

reprises remise en chantier d'une peinture trop vite venue, trop facile, apres<br />

<strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> découragement, il conçoit une œuvre qu'il ne pressentait pas<br />

ainsi. Pour dire c<strong>et</strong>te forme <strong>de</strong> mort qu'est, dans la création artistique, a<br />

fidélité à l'appel intérieur, le renoncement aux procédés <strong>du</strong> métier <strong>et</strong> a la<br />

sé<strong>du</strong>ction il a cité, en exergue <strong>de</strong> la troisième partie <strong>de</strong> son livre ['«Exercice<br />

<strong>de</strong> la peinture», saint Jean <strong>de</strong> la Croix : «Surtout il faut passer au nonsavoir<br />

; car en ce chemin, laisser son chemin; c'est entrer en chemin».<br />

Avec c<strong>et</strong> élan <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te exigence, il a abordé le programme qui lui fut proposé<br />

pour <strong>de</strong>s vitraux <strong>de</strong>stinés à la p<strong>et</strong>ite chapelle <strong>de</strong> Plas a Horn en<br />

construction. Non sans quelque appréhension tenant aux circonstances :<br />

une atteinte <strong>de</strong> cataracte, la collaboration incertaine <strong>du</strong> maître verrier<br />

dépourvu <strong>de</strong> verres au rose à l'or, élément choisi <strong>de</strong> sa pal<strong>et</strong>te pour suggérer<br />

la transcendance - tout comme les fonds d'or <strong>de</strong>s Byzantins ou les ciels<br />

<strong>de</strong> Giotto.<br />

Jean Bazaine a d'abord médité ta vision d'Élie sur l'Horeb au premier livre<br />

<strong>de</strong>s Rois (19, 1-18) : Dieu n'est pas dans la tempête ; il est là dans le calme<br />

murmure d'une brise légère. Il réconforte son ami <strong>et</strong> lui rend foi en sa mission.<br />

Bazaine a intériorisé c<strong>et</strong>te expérience spirituelle <strong>du</strong> prophète. Il s'est<br />

assurément posé les questions fondamentales : d'où vient <strong>et</strong> où mène sa<br />

quête <strong>de</strong> peintre ; quel est le langage sacré <strong>du</strong> ciel, <strong>de</strong> la mer, <strong>de</strong>s ténèbres<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> la lumière ; quel est le sens même <strong>de</strong> l'existence ; qu'est ou qui est<br />

l'Être ? Ainsi en transposant aux vitraux <strong>de</strong>s fenêtres latérales les signes<br />

avant-coureurs <strong>de</strong> la théophanie sur l'Horeb, il a tra<strong>du</strong>it en termes <strong>de</strong> lumière<br />

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•<br />

Archives diocésaines <strong>de</strong> <strong>Quimper</strong> <strong>et</strong> <strong>Léon</strong><br />

son approche personnelle <strong>de</strong>s forces cosmiques, <strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> la<br />

nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> sa découverte toujours provisoire <strong>du</strong> sens.<br />

Sans doute est-ce aussi sa propre expérience <strong>de</strong> paix intérieure, ressentie<br />

un jour comme un don gratuit <strong>et</strong> inatten<strong>du</strong>, qui se lit dans la p<strong>et</strong>ite fenêtre <strong>du</strong><br />

chev<strong>et</strong>, par laquelle pénètre comme un souffle dans la chapelle une présence<br />

aimante, avec la lumière sereine <strong>du</strong> levant.<br />

Quel qu'ait été son adhésion à l'expérience d'Élie, découvrant la présence<br />

<strong>de</strong> Yaveh dans le murmure d'une brise légère, son œuvre appelle aujourd'hui<br />

à la contemplation. Ceux qui montent, seuls ou dans le mouvement <strong>de</strong> la tro<br />

ménie, jusqu'au somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> Plas a Horn, en quête <strong>de</strong> ressourcement au milieu<br />

<strong>de</strong>s interrogations <strong>de</strong> leur vie, ceux-là peuvent rencontrer, dans la lumière <strong>de</strong><br />

ces vitraux, une démarche fraternelle proche <strong>de</strong> la leur <strong>et</strong> le témoignage d'un<br />

chemin mystique vers l'au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s apparences.<br />

Jean Bazaine a laissé dans la chapelle <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine à Penmarc'h une<br />

œuvre <strong>de</strong> même sens <strong>et</strong> <strong>de</strong> même authenticité spirituelle. La suite <strong>de</strong> ces<br />

vitraux accompagne la démarche <strong>de</strong> Marie Ma<strong>de</strong>leine dans la nuit <strong>du</strong> Vendredi<br />

saint à Pâques : souffrant compassion <strong>et</strong> solitu<strong>de</strong> sur le chemin <strong>de</strong> la croix, elle<br />

accueille l'aurore <strong>de</strong> Pâques sous le signe d'un arbre en fleurs, avant <strong>de</strong><br />

découvrir, dans l'embrasement d'une lumière éblouie <strong>de</strong> nacre, d'or <strong>et</strong> <strong>de</strong> rose,<br />

la Résurrection <strong>du</strong> Seigneur <strong>de</strong> gloire. Puis Jésus vient à sa rencontre dans le<br />

jardin comme une flamme qui lui révèle à la fois son vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> son salut. Expérience<br />

spirituelle qu'ont éprouvée à leur façon <strong>de</strong>s artistes qu'évoque Bazaine<br />

dans la conclusion <strong>de</strong> son <strong>de</strong>rnier livre :<br />

«Appel <strong>de</strong> l'homme per<strong>du</strong> dans l'insécurité <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> lumière, est-ce<br />

cela, la joie <strong>de</strong> Bonnard ? Si proche <strong>de</strong> la mort lumineuse, transparente - <strong>de</strong><br />

la mort amicale - qui éclaire toute l'œuvre <strong>de</strong> Mozart. Si proche <strong>de</strong> c<strong>et</strong> éclat<br />

rauque <strong>de</strong> la nuit fulgurante <strong>de</strong> Rembrandt... »<br />

Avant <strong>de</strong> rendre grâce pour son œuvre qui nous rend proche la source <strong>de</strong><br />

toute beauté, je lis encore quelques-unes <strong>de</strong> ses propres paroles, tirées <strong>du</strong><br />

«Temps <strong>de</strong> la Peinture» :<br />

«La soif d'absolu n'est pas le progrès, elle est d'une autre nature. Elle n'est<br />

pas conquête, possession <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>, elle n'est pas action mais soumission<br />

active. Elle est transcendance, geste <strong>de</strong> Dieu créant la vie en s'y accordant<br />

d'avance»..,<br />

«Le peintre s'efforce, inlassablement, <strong>de</strong> sauver ie mon<strong>de</strong> en le ressuscitant,<br />

<strong>de</strong> laisser pourrir en lui c<strong>et</strong>te graine fabuleuse pour restituer un mon<strong>de</strong><br />

d'au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mort, un espace inaltérable, une lumière d'au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'ombre».<br />

Maurice Dilasser<br />

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