L'ÉGLISE FINISTÈRE - Diocèse de Quimper et du Léon
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tout à répliquer à la tentative unitaire. En insistant sur la seigneurie <strong>de</strong> Dieu<br />
<strong>et</strong> son altérité, Barth va m<strong>et</strong>tre une distinction n<strong>et</strong>te entre l'Église <strong>et</strong> l'État <strong>et</strong>,<br />
par le fait même, il va défendre la démocratie face à <strong>de</strong>s tendances totalitaires<br />
(communisme, national-socialisme, bipartition <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> en <strong>de</strong>ux blocs : Est-<br />
Ouest). En eff<strong>et</strong>, l'autorité <strong>de</strong> Dieu perm<strong>et</strong> l'existence d'une pluralité d'institutions<br />
libres dans la société.<br />
Balthasar, au contraire, corrige Barth. Il m<strong>et</strong> l'accent sur l'aspect relationnel<br />
<strong>de</strong> l'autorité divine. Dieu cherche à rentrer en relation avec l'homme <strong>et</strong> son<br />
autorité a davantage un rôle <strong>de</strong> liaison. L'Église sera signe <strong>de</strong> Dieu dans la<br />
mesure où elle va perm<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te relation entre les hommes.<br />
De toute c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong>, on peut r<strong>et</strong>irer une «voie symbolique». «A l'ère<br />
démocratique, le chrétien fait autorité dans ia capacité à faire <strong>du</strong> lien, soit en<br />
créant <strong>de</strong> l'altérité face à <strong>de</strong>s autorités unificatrices, soit en créant <strong>de</strong> la communication<br />
face à <strong>de</strong>s tentations sectaires».<br />
2. Le mandat <strong>de</strong> l'Action Catholique :<br />
un exemple <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong>s rapports d'autorité dans l'Église<br />
La <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> la thèse porte sur le mandat en Action Catholique.<br />
Elle présente donc un caractère historique <strong>et</strong>, en même temps, elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
tester la validité <strong>de</strong>s «modèles-types» d'autorités engagés dans la première<br />
partie.<br />
Pour la rédiger, Jean-Yves Baziou a pu consulter les archives <strong>de</strong> épiscopat,<br />
celles <strong>de</strong> l'Assemblée <strong>de</strong>s Cardinaux <strong>et</strong> Archevêques (ACA), celles <strong>de</strong><br />
Mgr Choll<strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> Mgr Guerry, tous <strong>de</strong>ux prési<strong>de</strong>nts successifs <strong>de</strong> l'ACA avant<br />
<strong>et</strong> après la <strong>de</strong>rnière guerre. Il s'est ren<strong>du</strong> auprès <strong>de</strong> Mgr Matagrin, ancien<br />
eveque <strong>de</strong> Grenoble à la r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> ancien vice-prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Conférence<br />
épiscopale française. Des responsables nationaux <strong>de</strong> mouvements ou <strong>de</strong>s<br />
aumôniers lu; ont ouvert leurs archives personnelles. Autant dire que ses<br />
sources sont <strong>de</strong> première main.<br />
5 est ?y ec ,es trois modèles «monothéisme monarchique», «monothéisme<br />
différencié» <strong>et</strong> «unité différenciée» que sera analysée la question <strong>du</strong> mandat<br />
en Action Catholique, avec tous les conflits qu'il a suscités entre la hiérarchie<br />
<strong>et</strong> les mouvements. Elle est abordée sous <strong>de</strong>ux angles : autorité dans l'Église<br />
(rapport laïcs-hiérarchie) <strong>et</strong> autorité <strong>de</strong> l'Église dans la société française.<br />
Rappelons que le mandat est le droit donné par la hiérarchie à une organisation<br />
<strong>de</strong> laies <strong>de</strong> représenter officiellement l'Église. Il a été interprété <strong>de</strong><br />
maniere diverse : on a pu le considérer comme une confiance accordée aux<br />
laies. On se trouve à ce moment là dans le modèle <strong>de</strong> «l'unité différenciée».<br />
Mais on peut le prendre aussi pour une tutelle tendant à ré<strong>du</strong>ire te pouvoir <strong>de</strong>s<br />
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Archives diocésaines <strong>de</strong> <strong>Quimper</strong> <strong>et</strong> <strong>Léon</strong><br />
mouvements. On se rapproche alors <strong>du</strong> modèle <strong>du</strong> «monothéisme monarchique».<br />
Et suivant le modèle dans lequel on se trouve, le rôle <strong>de</strong> l'aumônier,<br />
par exemple, change d'aspect. Dans le premier cas, l'aumônier est beaucoup<br />
plus un conseiller qui n'a pas directement barre sur la définition <strong>de</strong>s objectifs<br />
<strong>du</strong> mouvement ou sur leurexécution. Dans le second cas, les aumôniers vont<br />
davantage donner la direction à suivre par les mouvements <strong>et</strong> le danger <strong>de</strong><br />
cléricalisation <strong>de</strong>vient plus fort.<br />
Vatican ll cherchera à dépasser l'opposition entre ces <strong>de</strong>ux lignes logiques.<br />
Tout d'abord, le concile va insister sur la distinction entre l'autorité <strong>du</strong> Christ <strong>et</strong><br />
celle <strong>de</strong> la hiérarchie. Les responsabilités <strong>de</strong> chacun s'enracinent dans les<br />
sacrements, tout particulièrement le baptême. Enfin, l'autorité dans l'Église est<br />
conçue <strong>de</strong> manière plus potycéntrique : autorité <strong>de</strong> tous (synodalité), autorité<br />
<strong>de</strong> quelques-uns (la collégialité <strong>de</strong>s Évêques), autorité d'un seul (le Pape).<br />
Dans une telle perspective, le rapport hiérarchie-laïcs est vécu <strong>de</strong> manière<br />
beaucoup plus dialogafe.<br />
Tout cela aboutira en 1975 à la suppression <strong>du</strong> mandat. Le texte <strong>de</strong> l'assemblée<br />
<strong>de</strong> Lour<strong>de</strong>s encourage l'engagement social, mais laisse les mouvements<br />
libres <strong>de</strong> leurs choix. Par contre, ils n'engagent plus officiellement l'Église<br />
dans le domaine social ou politique. Le rôle <strong>de</strong>s évêques va consister<br />
davantage à fournir <strong>de</strong>s critères pour qualifier <strong>de</strong> chrétienne une action qu'ils<br />
ne décrètent plus. Une question reste cependant à éclaircir : «Au nom <strong>de</strong> quoi<br />
<strong>et</strong> au nom <strong>de</strong> qui agir dans la société ?»<br />
En conclusion, on peut dire que c'est le modèle <strong>de</strong> «l'unité différenciée»<br />
qui perm<strong>et</strong> le mieux <strong>de</strong> comprendre l'autorité dans l'Église <strong>et</strong> l'autorité <strong>de</strong> l'Église<br />
dans une société démocratique. Il sauvegar<strong>de</strong> les <strong>de</strong>ux pôles qui structurent<br />
toute autorité : la liaison <strong>et</strong> l'autorité. Contrairement au «monothéisme<br />
monarchique» ou au «monothéisme différencié», il perm<strong>et</strong> d'échapper à une<br />
conception intégraliste <strong>de</strong> la religion, pour reprendre la terminologie d'Emile<br />
Poulat.<br />
Et Jean-Yves Baziou peut conclure : «Le paradigme <strong>de</strong> l'unité différenciée<br />
indique que démocratie <strong>et</strong> Église peuvent sans n'en renier <strong>de</strong> leur spécificité<br />
propre, c'est-à-dire pour l'une en se réclamant <strong>de</strong> l'autorité <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong><br />
pour l'autre en se référant à l'autorité <strong>de</strong> Dieu, se rejoindre en une double<br />
tâche d'ordre symbolique : l'inscription dans la société d'un principe <strong>de</strong> différence<br />
qui soit en même temps capable <strong>de</strong> faire le lien <strong>et</strong> l'inscription d'un lien<br />
entre tous qui soit en même temps capable <strong>de</strong> laisser sauves <strong>de</strong>s différences<br />
indivi<strong>du</strong>elles ou collectives».<br />
Le premier intérêt <strong>de</strong> la thèse <strong>de</strong> Jean-Yves Baziou rési<strong>de</strong> dans l'analyse qu'il<br />
fait <strong>de</strong> la notion d'autorité tant sur le plan chrétien que dans la société démo-<br />
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