Les Sept Jours du ta..

l’exception des coups de la batte qui s’acharnait sur la carcasse
difforme et sanglante… coups devenus mats, vides, sans
résonance…
… et le son de ces coups avait martelé cruellement l’âme de
Bruno…
Le médecin arrêta sa voiture sur le bord du chemin. Lui qui
n’avait pas repensé à cette histoire depuis longtemps, voilà que
tout à coup elle l’habitait tellement qu’il ne pouvait plus
rattraper le présent.
Il se passa les mains sur le visage. Attendre… Attendre que
ces images passent, puis s’évaporent… Mais elles ne
s’estompaient pas, elles continuaient, défilaient jusqu’au bout…
Denis avait fini par s’arrêter. Au dernier coup, il était
demeuré courbé par en avant, le souffle court, la batte toujours
contre le cadavre disloqué, puis il s’était redressé très
lentement. Bruno se rappelait très bien avoir remercié Dieu que
le carnage ait pris fin. Toujours la batte dans sa main droite,
Denis recula, sans quitter Luky des yeux. Puis, il s’était retourné
et avait dévisagé un à un les quatre témoins restants. Quand
son regard s’était posé sur Bruno, celui-ci avait littéralement
frissonné. Dans les yeux de Denis, le médecin ne discernait plus
ni haine ni fureur, mais plutôt une sorte d’égarement total,
comme chez un homme qui aurait dormi des siècles pour se
réveiller dans un décor qu’il n’arrivait pas à comprendre.
Et de toute la scène, ce regard égaré fut pour Bruno le
moment le plus terrifiant.
Toujours dans le plus grand silence, Denis s’était mis en
marche et tous s’étaient écartés de lui, comme s’il avait la lèpre.
Il avait atteint la rue et s’était dirigé vers sa maison, la
démarche mécanique et pourtant zigzagante, comme un
automate ivre. Au bout d’une dizaine de pas, la batte avait glissé
de ses doigts et était tombée sur l’asphalte avec un bruit
incongru. Un peu plus loin encore, Denis avait trébuché, son
genou gauche avait même touché le sol, mais il avait réussi à se
redresser pour poursuivre son chemin, sans se retourner une
seule fois.
Ce n’est que lorsqu’ils l’avaient vu, au loin, entrer chez lui
que Bruno et les autres témoins s’étaient enfin regardés,
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