Les Sept Jours du ta..

— Tu sais ce que j’entends toute la journée, Bruno ?
Le médecin avait secoué la tête.
— L’écho des coups.
— Quels coups ?
— Les coups que je donnais à la fin sur le chien, répondit
Denis d’une voix un peu plus animée. Ces coups que je
continuais à asséner même si je savais que Luky était mort, ces
coups que je répétais sans cesse parce que j’aurais voulu qu’ils
fassent gicler plus de sang, qu’ils provoquent d’autres cris,
d’autres hurlements encore plus effrayants, plus douloureux !
Parce que j’aurais voulu le tuer encore cinq, dix, cent fois ! Et
plus je frappais, plus le son de ces coups retentissait dans ma
tête ! Surtout l’écho…
Bruno aussi se rappelait très bien ces sons : mats et vides. Il
avait bredouillé bêtement :
— Il n’y avait pas d’écho, Denis…
— Ho oui, il y en avait ! J’étais peut-être le seul à l’entendre,
mais il y en avait ! Un écho effroyable parce que, justement,
c’est tout ce que produisaient mes coups. Et c’est pour ça que
j’ai fini par arrêter de frapper : pas parce que je le voulais, mais
parce que l’écho dans ma tête était devenu insupportable ! Et il
l’est encore ! J’ai beau mettre de la musique toute la journée
dans la maison, je l’entends toujours ! Il est dans mon crâne et
j’ai l’impression…
Il s’était mordu les lèvres et, la voix cassée, avait ajouté :
— … j’ai l’impression que c’est tout ce qu’il me reste de ça, de
ce que j’ai fait : l’écho des coups. Un écho vide et sans fin.
Derrière son volant, Bruno ouvrit les yeux. L’obscurité
profonde entourait sa voiture, la pluie produisait un
pianotement désordonné sur le capot.
Comment, après trois ans, réussissait-il à se souvenir de
chaque détail avec une telle précision, une telle clarté ?
Quelques semaines plus tard, il avait croisé Denis en ville,
avec son pauvre fils défiguré. Ils avaient parlé de tout et de
rien ; Denis semblait aller vraiment mieux, même s’il y avait
toujours ce filtre devant ses yeux. À un moment, Bruno avait
osé demander, très sérieusement :
— Et l’écho ?
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