HENRI VERNES
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Alabert désignait l’homme roux qui, depuis le début de la<br />
conversation, était demeuré inerte et indifférent, comme vissé à<br />
sa chaise. Pendant quelques instants, ce détachement total face<br />
à des événements auxquels l’étrange individu se trouvait<br />
étroitement mêlé fit perdre sa patience au policier.<br />
— Mais il va parler, à la fin ? s’écria-t-il. Va-t-il parler ?…<br />
Morane, lui, gardait son calme. Il suivit la pensée de son<br />
interlocuteur.<br />
— Tout cela ne veut rien dire, enchaîna-t-il. Ce n’est pas<br />
parce que, lors d’une disparition, un témoin a aperçu dans les<br />
environs un individu au visage figé et aux yeux fixes, qu’il faut<br />
vouloir absolument en faire un épouvantail. On ne gagne rien à<br />
généraliser à outrance. À ce train-là, si un beau jour un crime<br />
était commis par un homme coiffé d’un chapeau melon, on<br />
pourrait être amené à condamner tous les gens coiffés de la<br />
sorte… Maintenant, pour ce qui est de notre homme aux yeux<br />
fixes, peut-être avez-vous raison…<br />
Bob se tourna vers l’homme roux.<br />
— Ses regards me font peur, continua-t-il. Cet être est vivant,<br />
et pourtant il y a quelque chose de mort en lui. Un mort-vivant,<br />
voilà à quoi il me fait penser. Ah, si seulement je pouvais savoir<br />
où se trouve Claude, je pourrais voler à son secours, obtenir de<br />
lui de plus amples renseignements qui nous conduiraient<br />
directement à nos ennemis. Mais Claude est-il seulement encore<br />
en vie ?<br />
— Pourquoi pas ? demanda le commissaire. Rien ne nous<br />
permet d’affirmer qu’il soit mort. Certes, le réceptionnaire de<br />
l’hôtel Lyautey nous a affirmé que votre ami avait tout d’un<br />
homme traqué, mais on peut être traqué sans être en danger de<br />
mort, ne l’oubliez pas… Dans tous les cas de disparition dont je<br />
vous parlais tout à l’heure, on n’a jamais retrouvé le corps de<br />
l’un des hommes disparus. Des enlèvements ou des fugues, voilà<br />
de quoi il s’agissait probablement, et de rien d’autre…<br />
Un long silence s’établit entre les deux hommes, un silence<br />
que la sonnerie saccadée du téléphone rompit. Le policier<br />
décrocha le combiné téléphonique et dit :<br />
— Ici le commissaire Alabert. Qui parle ?…<br />
— …<br />
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