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Echelle contraste variable

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e momentanés, les diverses étapes classiques du travail de deuil, la personne malvoyante<br />

doit accéder à une acceptation suffisamment dynamique de son handicap : l’initiale<br />

phase de sidération, la relative et souvent subtile négation du handicap ou de ses<br />

conséquences pratiques, l’incontournable et nécessaire phase de dépression-agressivité,<br />

la résignation débouchant progressivement sur une réaction suffisamment positive par<br />

rapport au handicap, la perception comme adéquats et réalisables des moyens susceptibles<br />

d’améliorer l’adaptation et la volonté concrète de leur mise en œuvre selon l’élan<br />

vital. Le malvoyant recouvre alors un plaisir de vivre suffisant, c’est-à-dire in fine la<br />

capacité de s’aimer à nouveau lui-même tel qu’il est désormais. Cette attitude est nécessaire<br />

pour le maintien ou le rétablissement de contacts harmonieux, agréables avec l’entourage<br />

immédiat et la Société.<br />

Des professionnels réellement spécialisés, dont des Psychologues, peuvent aider le malvoyant<br />

dans ce trajet vers la relative transcendance du handicap. Sous peine de ne pas<br />

être crédible, le professionnel doit, dès le départ, convenir avec la personne du caractère<br />

profondément injuste, affligeant et intolérable de ce qui lui arrive.<br />

La qualité de vie postule également un environnement adéquat. C’est pourquoi la personne<br />

souffrant de basse vision tentera de s’entourer d’un contexte physique qui lui<br />

convienne au mieux, ce qui suppose la bonne compréhension et la collaboration de son<br />

entourage : éclairage adéquat, et pour répondre à des besoins bien actuels, la configuration<br />

lors d’un travail sur PC doit notamment tenir compte d’un agrandissement de la<br />

taille des caractères et de <strong>contraste</strong>s adaptés à la vision de chacun, signalisation des pièges<br />

à éviter et des utiles repères visuels contrastés et signifiants, configuration logique<br />

et pas trop complexe des locaux habituellement fréquentés... Rappelons à ce propos les<br />

deux tendances sociopolitiques actuelles : d’une part ce que l’on appelle la “totale non<br />

discrimination” par le tout aménagement physique de l’environnement et d’autre part<br />

la tendance qui privilégie davantage le développement des capacités d’adaptation personnelle<br />

de la personne handicapée. L’attitude adéquate est évidemment médiane et<br />

l’honnête pragmatisme s’impose selon les moyens disponibles. En ces matières et en ces<br />

choix, l’influence des diverses cultures n’est pas négligeable (pays de culture anglosaxonne,<br />

scandinave, latine, africaine...).<br />

La qualité de vie c’est aussi la bonne adaptation à l’entourage humain. A ce propos, le<br />

problème des handicapés ne constituant plus une réelle priorité sociopolitique, on peut<br />

déplorer une subtile et perverse tendance actuelle à vouloir banaliser les situations handicapantes,<br />

notamment les nombreux impacts des pathologies visuelles. Le malvoyant<br />

occupe une situation équivoque pour l’entourage : que voit-il exactement ce diable<br />

d’amblyope, quand et comment faut-il l’aider ? Il peut lire un livre et ne pas pouvoir se<br />

déplacer seul ou inversement. A la limite il peut être pris pour un simulateur. La déficience<br />

visuelle n’est pas toujours évidente. Le port de lunettes n’est pas toujours nécessaire.<br />

On lui rétorque : portez vos lunettes. Le malvoyant est plus dérangeant qu’une<br />

personne aveugle totale. Le comportement à adopter à son égard est plus multiforme et<br />

donc plus embarrassé. Cela peut susciter une tendance à accentuer le stigmate, c’est-àdire<br />

à “aveugliser” l’amblyope. Cette attitude est très pénible pour le malvoyant d’autant<br />

plus qu’il se pose toujours, fût-ce en non dit, la lancinante question : deviendrai-je<br />

un jour aveugle total ? Certes il n’a pas vécu le traumatisme purement psychique lié à la<br />

perte totale de la lumière, c’est plutôt la crainte de la perdre un jour.Ayant eu l’occasion<br />

d’examiner et d’essayer d’aider quelque cinq mille personnes handicapées de la vue<br />

nous n’avons jamais rencontré l’une d’elles qui ait totalement “digéré” son handicap.<br />

Une tristesse, une certaine révolte demeurent toujours sous-jacentes et peuvent être exacerbées<br />

par des événements déclenchants tels : une bousculade dans le métro, s’être<br />

ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002<br />

perdu en rue, l’aggravation de la pathologie, ce qui est hélas fréquent, le décès d’un proche,<br />

l’aide refusée ou maladroite, la naissance d’un enfant, un chagrin d’amour...<br />

Rappelons que tout deuil ravive tous les autres deuils. Comme toute personne handicapée,<br />

mais peut-être davantage et autrement du fait de la symbolique particulière de la<br />

vision, l’amblyope est l’objet de ce que l’on appelle la haine primaire. En effet, il déçoit<br />

et fait peur à son entourage parce qu’il ne correspond pas au schéma biologique habituel<br />

de l’espèce. C’est initialement sa mère qui éprouve inconsciemment l’envie de tuer<br />

cet enfant décevant. Mais cette attitude, consciemment insoutenable, est profondément<br />

refoulée et s’opère alors un retournement en sens contraire qui débouche dans la classique<br />

ambivalence de la surprotection et du rejet. Ce phénomène est tout à fait normal,<br />

même incontournable. Cependant un tiers professionnel peut intervenir pour clarifier<br />

les attitudes, pour faire le tour des attentes personnelles, pour dépassionnaliser, pour<br />

déculpabiliser et conscientiser.<br />

Les entreprises sont, à tout le moins, embarrassées lors de l’embauche ou du maintien<br />

d’un travailleur malvoyant. Or il est bien évident qu’une personne handicapée de la vue<br />

bien insérée professionnellement mène une vie plus heureuse, plus variée, plus épanouie<br />

et ressentie comme citoyennement utile. Sa difficulté d’intégration dans le monde<br />

du travail est ancienne et récurrente, mais de nouveaux obstacles surgissent du fait d’un<br />

environnement ergologique qui devient de plus en plus visuel et qui de plus est, mobilise<br />

majoritairement la vision rapprochée alors que le système visuel de notre espèce<br />

demeure essentiellement programmé pour une vision distale. Songeons à l’omniprésent<br />

usage des ordinateurs auxquels les malvoyants doivent s’adapter.<br />

Cet envahissement du visuel concerne aussi la vie de loisirs dont l’importance s’accroît<br />

fort heureusement à notre époque. C’est ainsi que les adolescents aveugles ou malvoyants<br />

déplorent les discothèques actuelles dont l’éclairage est alternant, dispersé et<br />

trépidant. S’y ajoute le mur du son, comme suite à l’intensité des décibels, qui achève de<br />

désarçonner totalement notre public. La qualité d’existence des personnes malvoyantes<br />

c’est aussi une vie sociale et associative réussie et agréable. La chose n’est pas toujours<br />

facile pour eux et la tentation de se réfugier dans un monde de seule malvoyance peut<br />

surgir. Les rapports avec ses proches peuvent aussi soit susciter des embarras et de la<br />

peine, soit une aisance de vivre et du bonheur. On sait que le deuil de l’entourage est<br />

rarement synchronisé avec celui de la personne handicapée elle-même. L’entourage est<br />

souvent désemparé, apeuré et a donc tendance à nier plus ou moins, à sous-estimer la<br />

déficience. Ses réactions initiales mais qui peuvent perdurer sont souvent maladroites<br />

parce qu’anxieuses : du type de la preuve par soi “A ta place je ferais ceci ou cela” en<br />

s’inspirant des réactions que l’on a déjà eues ou que l’on imagine que l’on développerait<br />

dans des circonstances similaires. Cette attitude a l’art d’hérisser la personne handicapée,<br />

comme d’ailleurs tout un chacun. Epinglons aussi l’épanouissement sexuel pris au<br />

sens large du terme qui est capital à tout âge. La personne malvoyante mènera une vie<br />

plus heureuse si elle a appris d’une part à accepter l’absence de la perception des<br />

signaux sexuels socialisés d’invite ou d’écart qui sont quasi exclusivement visuels et qui<br />

donc lui échappent et d’autre part à s’y adapter. Ainsi, l’installation et l’intelligent bénéfice<br />

d’un environnement favorable tant sur le plan physique que sur le plan humain<br />

(l’entourage proche, plus lointain et la Société) postulent la parole des professionnels<br />

que nous sommes afin que tout cela soit rendu plus facile et plus efficace, mieux accepté<br />

et désanxiolisé. Répétons que mieux connaître et se connaître, c’est moins subir malgré<br />

soi.<br />

Ainsi la qualité de vie des personnes malvoyantes c’est finalement le maintien ou la<br />

reconquête d’un plaisir de vivre suffisant, d’une bonne image de soi mais qui peuvent<br />

ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002

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