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La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et les<br />
établissements pour déficients visuels<br />
H RIHAL<br />
Professeur de droit public, Centre de droit et d’études politiques des collectivités territoriales,<br />
Université d’Angers, Angers<br />
Résumés :<br />
A l’égard des établissements pour déficients visuels, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action<br />
sociale apporte d’importantes modifications. L’action sociale est redéfinie, les centres de ressources<br />
y sont intégrés et la mission d’intérêt général (et non de service public) de ces établissements<br />
est réaffirmée. Un véritable statut est conféré aux usagers de ces établissements :<br />
exercice de libertés individuelles, contractualisation de la relation, participation au fonctionnement.<br />
De nouvelles procédures viennent régir l’octroi de l’autorisation. Si la position de l’usager<br />
sort renforcée, il en va de même de celle de l’administration qui voit ses pouvoirs de<br />
contrôle devenir plus efficaces<br />
Mots-Clés :<br />
Etablissements pour déficients visuels, statut de l’usager, libertés individuelles, contractualisation,<br />
procédure d’autorisation<br />
Introduction<br />
61<br />
ref: AM20046<br />
Appelée de ses vœux de longue date par la plupart des professionnels de l’action sociale,<br />
la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale (Journal officiel du 3 janvier<br />
p. 124) sera sans doute loin de répondre à toutes leurs espérances dans la mesure où, si<br />
elle étend le champ de l’action sociale et permet davantage d’expérimentation, elle<br />
marque aussi et avant tout un souci de rigueur dans la planification sociale et le régime<br />
de l’octroi des autorisations.<br />
La loi 75-535 du 30 juin 1975, publiée le même jour que la loi d’orientation en faveur des<br />
personnes handicapées (avec laquelle elle est parfois confondue), a organisé le système<br />
d’autorisation de création, d’extension et de transformation des institutions sociales et<br />
médico-sociales. Le transfert de compétences ayant suivi le grand mouvement de décentralisation<br />
de 1982 a obligé à une révision profonde de ces règles : ce fut l’objet d’une loi<br />
du 6 janvier 1986. Enfin, l’ordonnance du 21 décembre 2000 en a simplifié le « maniement<br />
» en codifiant le texte des différentes lois en la matière dans la partie législative du<br />
nouveau Code de l’action sociale et des familles.<br />
Par chance, le législateur de 2002 se fait ici pédagogue : il ne procède pas par modifications<br />
de détails, adjonctions, suppressions mais opère une réécriture complète du titre<br />
Ier du Livre III du Code de l’action sociale et des familles consacré aux « établissements<br />
et services soumis à autorisations » ; chaque article de la loi est consacré à la rédaction<br />
d’un article précis du code de telle sorte que la loi comporte quatre vingt-sept articles<br />
qui, pour beaucoup, n’apportent pas de modification au droit existant. On doit saluer<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002<br />
cet effort de clarté du législateur ; mais peut-être cet effort est-il lié au fait que la loi sera<br />
lue par des non juristes : professionnels et usagers du secteur social et médico-social.<br />
Notons d’emblée que le texte n’apporte aucune innovation quant à la répartition de<br />
compétences entre l’Etat et les départements ; du reste, dans la plupart des cas, les règles<br />
sont communes. En ce qui concerne les établissements pour personnes handicapées,<br />
rappelons que les établissements d’éducation spéciale et les centres d’aide par le travail<br />
sont contrôlés et financés par l’Etat alors que les établissements consacrés à l’hébergement<br />
sont financés et contrôlés par les départements. Le texte concerne d’ailleurs aussi<br />
bien les établissements publics (dont il réécrit en totalité le statut) que les très nombreux<br />
établissements privés.<br />
Les statistiques officielles indiquent qu’existent environ 10.700 structures pour personnes<br />
handicapées comportant 331.000 places et employant 152.700 salariés. On sait aussi<br />
combien la gestion associative est prégnante dans l’ensemble des structures liées aux<br />
différents handicaps, qu’il s’agisse d’associations gestionnaires ou d’associations de<br />
parents.<br />
Quel peut être l’impact d’une telle loi pour le travail des spécialistes de la basse vision<br />
qui, salariés par des établissements pour enfants ou adultes handicapés ou y intervenant<br />
ponctuellement, ont, dans leurs pratiques professionnelles, des relations avec les usagers<br />
directs de ces établissements ou leurs familles ? Quelles peuvent être les conséquences<br />
de la loi sur la gestion desdits établissements ? On sait que l’intégration scolaire, le<br />
progrès des techniques palliatives de la cécité et de l’amblyopie, ont considérablement<br />
modifié, en vingt ans, les missions de ces établissements qui, de champ clos, sont devenus<br />
avant tout des prestataires de services. On sait aussi que chaque jour ces établissements<br />
ont à prendre avec les usagers des décisions qui peuvent être de prime importance<br />
: choix d’un équipement informatique, d’une mise au Braille, d’une intégration scolaire,<br />
d’une aide optique, d’une orientation vers le lycée, l’université ou la formation<br />
professionnelle.<br />
Après avoir commenté rapidement quelques définitions figurant dans la loi, nous nous<br />
intéresserons de très près aux nouveaux droits qui devront s’appliquer aux usagers, puis<br />
nous dirons quelques mots des nouvelles modalités de la planification sociale. A l’heure<br />
où ces lignes sont écrites, on ne connaît hélas ! pas la teneur des décrets d’application<br />
de cette loi de telle sorte que son entrée en vigueur reste partielle. Sur certains points,<br />
nous serons donc imprécis, espérant que ces ambiguïtés seront levées dans les mois qui<br />
viennent.<br />
Un champ d’application redéfini<br />
Définition de l’action sociale et médico-sociale<br />
Pour la première fois, le nouvel article L. 116-1 du Code de l’action sociale et des familles<br />
définit l’action sociale et médico-sociale comme tendant à promouvoir l’autonomie et la<br />
protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les<br />
exclusions et à en corriger les effets. L’ensemble des acteurs y sont associés (Etat, collectivités<br />
territoriales, établissements publics, organismes de sécurité sociale, associations,<br />
établissements ; en outre, l’action sociale repose sur une évaluation continue des besoins<br />
et des attentes, particulièrement des personnes handicapées.<br />
Ces missions semblent particulièrement importantes à prendre en compte en ce qui<br />
concerne les établissements pour enfants ou adultes déficients visuels : ils doivent favoriser<br />
l’autonomie de leurs ressortissants (et non l’assistanat), et favoriser leur pleine<br />
citoyenneté (transcription de la presse en Braille ou enregistrement sur cassettes, orga-<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002