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La chirurgie peut-elle aggraver un glaucome agonique ?<br />
L’acte opératoire par lui-même peut aggraver une situation anatomique et fonctionnelle<br />
déjà fortement altérée. Il faudra donc toujours être extrêmement prudent dans la<br />
période pré-, per- et post-opératoire pour limiter au maximum les retentissements de la<br />
chirurgie. L’aggravation de la fonction visuelle après la chirurgie est possible et peut<br />
relever de plusieurs mécanismes. Aggravation d’une cataracte préexistante qui pourra<br />
être réglée par une deuxième intervention. Aggravation de l’état du nerf optique du fait<br />
d’une atteinte ischémique (Figures 1, 2, 3). On considère habituellement que 5 % des<br />
patients avec des déficits glaucomateux très sévères englobant le point de fixation peuvent<br />
présenter des baisses de visions brutales après la chirurgie. De grandes précautions<br />
per et postopératoires ont pu permettre de baisser ce pourcentage, mais cette complication<br />
reste toujours possible (Lichter 1974, Levene 1992). Des poussées d’hypertonie<br />
importante en postopératoire ou un syndrome d’hypotonie pourraient expliquer ces<br />
accidents (Costa 1993). La chirurgie sur ce terrain doit être particulièrement prudente<br />
avec de grandes précautions avant, pendant et après la chirurgie.<br />
Mais compte tenu des objectifs de pression cible très basse, il faudra savoir réagir et ne<br />
pas hésiter à proposer les gestes complémentaires nécessaires, pour éviter des pressions<br />
postopératoire encore trop forte.<br />
En préopératoire<br />
Souvent les glaucomes agoniques ont été traités par de multiples traitements depuis de<br />
nombreuses années. Ils présentent donc des modifications de la conjonctive et de la<br />
tenon qui sont un facteur bien établi d’échec de la procédure filtrante. Il sera donc intéressant<br />
de préparer la surface oculaire par la prescription d’un collyre anti-inflammatoire<br />
faiblement cortisoné comme la fluorométholone les 4 semaines précédant la chirurgie.<br />
Il faudra intervenir sur un œil normotone pour éviter les trop grandes variations pressionnelles<br />
qui peuvent fragiliser le nerf optique. L’introduction d’acétazolamide par<br />
voie orale en préopératoire ou le passage d’une perfusion de mannitol 1 heure avant la<br />
chirurgie sont parfois nécessaire pour gérer le plus efficacement possible la pression<br />
intraoculaire préopératoire.<br />
Le temps de l’anesthésie est aussi particulièrement critique car pouvant être source<br />
d’hypertonie oculaire importante. En cas d’anesthésie locale, il faudra éviter l’injection<br />
de trop grande quantité de produit anesthésique dans l’orbite, éviter une compression<br />
du globe trop forte et prolongée. Certains chirurgiens préfèrent un mode d’anesthésie<br />
plus léger comme les sous-ténoniennes voire même les anesthésies topiques, surtout en<br />
cas de chirurgie non perforante puisque aucun geste n’est prévu sur l’iris. Ces différents<br />
modes d’anesthésie évitent les hypertonies oculaires, permettent de ne pas avoir un œil<br />
bloqué dans l’orbite et au contraire facilitent l’exposition du globe oculaire. Ils seront<br />
donc particulièrement indiqués sur ce terrain-là. En cas d’anesthésie générale, il faudra<br />
éviter les bas débits circulatoires et les hypoxies, sources de détérioration de ces nerfs<br />
optiques très vulnérables.<br />
En peropératoire<br />
Trabéculectomie<br />
Lors d’une trabéculectomie, l’ouverture de la chambre antérieure effondre brutalement<br />
la pression intraoculaire. On prendra donc grand soin à décomprimer l’œil très progressivement<br />
voire même par voie de paracentèse si la pression paraît encore forte avant<br />
l’ouverture du trabéculum.<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002<br />
Il est aussi capital de suturer correctement le volet superficiel pour éviter les athalamies<br />
du premier jour postopératoire qui sont catastrophique sur ce terrain. Globalement on<br />
rajoute des points sur le volet superficiel jusqu’à ce que la chambre antérieure reste formée<br />
normalement en fin chirurgie. De la même façon, la repose de la conjonctive sera<br />
parfaite pour éviter les seidels postopératoires.<br />
Chirurgie non perforante<br />
Une trabéculectomie non perforante bien faite permettra un abaissement pressionnel<br />
beaucoup plus progressif et régulier durant la chirurgie qu’une trabéculectomie. La<br />
pression intraoculaire ne sera réellement très basse qu’après avoir enlevé parfaitement<br />
le trabéculum juxta canaliculaire. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra espérer<br />
atteindre en postopératoire un niveau de pression suffisamment bas. Toute chirurgie<br />
incomplète sera vouée à l’échec et la pression restera trop élevée en postopératoire. Cela<br />
entraînera de plus une perte de temps et finalement un délai assez long jusqu’à ce que<br />
la pression soit contrôlée, période pendant laquelle le nerf optique peut continuer de se<br />
dégrader (Figure 4).<br />
La pression moyenne après chirurgie non perforante étant moins basse qu’après trabéculectomie<br />
classique, on aura plus volontiers recours à une application de mitomycine<br />
C en peropératoire.<br />
Hors complications peropératoire, la chambre antérieure est parfaitement normale en<br />
postopératoire malgré des pressions souvent très basses le premier jour. Il existe très<br />
rarement un décollement choroïdien et pratiquement jamais un syndrome d’hypotonie.<br />
La chirurgie non perforante entraînant moins de variations brutale de pression pendant<br />
la chirurgie, par son taux très faible de complications et par le calme oculaire des yeux<br />
en postopératoire, est une chirurgie très sure pour aborder les glaucomes agoniques.<br />
Postopératoire<br />
Il faudra réagir rapidement en cas de complication postopératoire : les seidel avec hypothalamie<br />
ne seront pas tolérés et il faudra savoir décider de reposer un point sous anesthésie<br />
topique plutôt que d’attendre une cicatrisation spontanée qui ne surviendra que<br />
quelques jours plus tard, soumettant l’œil à une hypotonie préjudiciable, et à un risque<br />
accru de cicatrisation épisclérale trop importante, risque de remontée rapide de la PIO<br />
(Figure 5).<br />
Il faudra être vigilant à une remontée pressionnelle précoce ; savoir porter l’indication<br />
de massages du globe oculaire et ne pas hésiter à réaliser des injections sous conjonctivales<br />
de 5 fluoro-uracile associées éventuellement à un needling qui permettent le plus<br />
souvent de relancer une filtration qui devenait insuffisante.<br />
A moyen terme, si la pression a tendance augmenter, il faudra réaliser une goniopuncture<br />
au laser YAG. Elle sera faite en focalisant le laser au niveau du trabéculum antérieur,<br />
juste en arrière de la ligne de Schwalbe, zone la plus fine du trabéculum et où le<br />
risque d’incarcération de l’iris est le plus faible. La gonioponcture sera d’autant plus efficace<br />
qu’elle n’est pas réalisée trop tardivement et qu’il existe encore une bulle de filtration.<br />
Le syndrome d’hypotonie est particulièrement préjudiciable sur un terrain aussi fragile.<br />
Par les troubles du transport axonoplasmique qu’il entraîne, il retentit rapidement sur<br />
le nerf optique. Le risque d’hypotonie importante n’est pas négligeable car avec des<br />
pressions cible aussi basse, on cherchera à faire une chirurgie très efficace employant<br />
donc plus volontiers des adjuvants comme les antimétabolites. Malgré tout, il est beaucoup<br />
plus rare en cas de chirurgie non perforante qu’en cas de trabéculectomie. Il fau-<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002