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e et me disant : “je vois un peu, mais j’ai des problèmes pour me déplacer dans la rue,<br />
le soleil me gêne beaucoup, est-ce que j’ai le droit de faire de la locomotion ?”<br />
Heureusement qu’il a osé demander... Les besoins des personnes ayant toujours guidé<br />
les actions de nos équipes, j’ai pu dire “oui” et c’est là qu’a commencé ce dont je vais<br />
vous parler maintenant : le travail en équipe.<br />
Locomotion et travail en équipe<br />
Je suis allée voir l’opticien qui avait donné le monoculaire à ce monsieur, sur prescription<br />
de son ophtalmologiste et j’ai essayé de comprendre. Il manquait un chaînon: qui<br />
enseignait à se servir de cet outil ? Ce monsieur a appris un peu tout seul, et avec moi<br />
pour ce qui concernait le travail à l’extérieur, avec tout ce qui fait la spécificité de la locomotion.<br />
Depuis ce temps - 20 ans -, beaucoup d’éléments positifs se sont mis en place et toutes<br />
les équipes de réadaptation tendent à travailler dans le sens d’une complémentarité<br />
entre les intervenants ayant chacun leur rôle propre et aussi, c’est vrai, quelques points<br />
d’interférence. D’ailleurs les bénéficiaires disent souvent ressentir cet esprit d’équipe<br />
qui nous anime, même lorsque l’équipe est éclatée, c’est-à-dire que tous les membres<br />
indispensables - l’ophtalmologiste, l’orthoptiste spécialisé en Basse-vision, l’opticien, le<br />
psychologue, les Instructeurs en Locomotion et en Autonomie dans les Activités de la<br />
Vie Journalière - ne sont pas présents dans un même lieu. Dans ce cas, un réseau s’est<br />
organisé pour que chaque personne handicapée trouve tout le soutien dont elle a besoin<br />
et que les professionnels travaillent en coordination. Cette situation n’est peut-être pas<br />
réalisée tout à fait partout, mais c’est un idéal dont nous sommes tous très conscients.<br />
Je citerai pour mémoire le travail qui, même vu en réseau, pourrait être fait à titre libéral<br />
en locomotion. Ce cas ne se produit pas en France et ni en Europe ou très peu.<br />
Pourquoi ?<br />
La rééducation en locomotion est pratiquée par des intervenants qui, sur une profession<br />
de base ayant un rapport avec le fonctionnement du corps, ont acquis une spécialisation.<br />
Ce qui ne leur donne pas droit à la prise en charge par la Sécurité Sociale en tant<br />
qu’Instructeurs en locomotion. Il n’est pas interdit à un psychomotricien par exemple<br />
(c’est ma profession de base) de s’installer à titre libéral, mais ses actes ne seront pas pris<br />
en charge, même sur prescription médicale. C’est la situation actuelle. Or la locomotion<br />
prend du temps : nombre, fréquence, durée des séances, tout cela varie en fonction de la<br />
personne handicapée et du projet mis en place avec elle, mais de toutes façons, c’est<br />
long : on ne fait rien à moins de 10 séances de 1h30 (grand minimum), et cela ne tient<br />
pas compte des déplacements. Et pour les adultes mal-voyants, comme pour les jeunes<br />
en intégration, certains d’entre nous travaillent à partir du domicile. On ne peut l’envisager<br />
sérieusement à titre libéral : cela coûterait beaucoup trop cher au bénéficiaire.<br />
En fait, la personne mal-voyante doit s’adresser à un Centre ou à un Service dans lequel<br />
elle pourra bénéficier en fonction de ses besoins, d’une prise en charge globale. Le<br />
Service étant lui-même financé de façon globale ou par prix de journée, les Instructeurs<br />
en Locomotion comme les autres rééducateurs y sont salariés. La personne ne paiera<br />
pas, le Service étant pris en charge par la Sécurité Sociale, ou paiera peu (partie non prise<br />
en charge par les organismes sociaux).<br />
Dans l’équipe d’intervenants, le travail de l’ophtamologiste étant bien connu au niveau<br />
du suivi médical du patient, de même que celui de l’opticien et de l’orthoptiste - “les 3<br />
O” -, nous rajouterons que le rôle du psychologue est essentiel pour aider la personne à<br />
comprendre son handicap et commencer d’assumer ses conséquences, dont la perte<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002<br />
d’autonomie partielle ou totale, est essentielle. Le psychologue présente l’action des autres<br />
intervenants, et amène la personne à accepter de faire un travail souvent traduit par<br />
“je retourne à l’école, j’apprends à lire, j’apprends à marcher”.<br />
La personne arrive souvent avec une demande très/trop précise et elle découvre tout ce<br />
qu’elle peut attendre d’un service de réadaptation. Elle a souvent - mais pas toujours -<br />
déjà rencontré un orthoptiste spécialisé en basse-vision et va avoir besoin de mettre en<br />
pratique dans sa vie de tous les jours ce qu’elle a appris, sa nouvelle façon d’utiliser sa<br />
vision. Ceci concerne les Activités d’Autonomie de la Vie Journalière et la Locomotion.<br />
Spécificité de la locomotion<br />
Pour ce qui concerne la locomotion, plus le travail fait en rééducation visuelle sera allé<br />
loin et plus le travail en locomotion sera facilité et plus vite intégré. La spécificité de la<br />
locomotion étant de se situer beaucoup en extérieur, toujours en mouvement, la plupart<br />
du temps parmi d’autres éléments en mouvement, et dans des conditions de luminosité<br />
et d’éclairement non constantes et non modifiables à volonté.<br />
Etre en extérieur<br />
Il va s’agir de s’adapter à ces <strong>variable</strong>s ; on n’est pas dans un cabinet présentant des<br />
conditions optimales de bien-être visuel et de confort physique : on est - la plupart du<br />
temps - en extérieur, debout, dans la rue, ou alors dans une grande surface, dans un lieu<br />
public ; il fait jour, soleil, gris, sombre, il pleut, il fait nuit, on est en éclairage artificiel,<br />
les phares et les néons s’allument. On se trouve vraiment en situation de faire avec la<br />
réalité, de se protéger de l’éblouissement, de comprendre ses limites.<br />
Même si dans certains cas - début de prise en charge, maladie, grand âge - on travaille<br />
exclusivement à l’intérieur, on est en situation de vie quotidienne, dans une relative<br />
incertitude de ce qui peut survenir. Tout ceci amène à un travail bien précis, à la fois<br />
technique et psychologique. Les sensations, mais aussi les émotions, ne sont pas les<br />
mêmes selon que l’on est chez soi, près de chez soi, en lieu inconnu, de jour, de nuit,<br />
dans la foule ou dans un quartier désert, etc.<br />
Etre en mouvement<br />
On est en mouvement, certaines partie de l’environnement bougent aussi (piétons, véhicules),<br />
à des vitesses <strong>variable</strong>s ; il faut évaluer les distances, les vitesses, le premier plan,<br />
les suivants. Je me souviens d’une dame ayant un glaucome qui voyait comme dans un<br />
tube où tous les éléments seraient les uns sur les autres ; sans le recours à l’environnement,<br />
comment évaluer les grandeurs relatives, les distances ? Une stratégie de balayage<br />
visuel lui a permis, avec beaucoup de travail, de recomposer une image du monde<br />
qui soit plus globale et donc plus juste.<br />
Se repérer<br />
Pour se déplacer, il faut aussi savoir où l’on est, se repérer ; la lecture des panneaux, des<br />
noms de rue, des enseignes, est souvent facilitée par l’utilisation d’un monoculaire ; là<br />
encore, si le travail d’apprentissage de son utilisation a été fait en statique, avec le rééducateur<br />
de basse-Vision, le travail à l’extérieur sera rapidement efficace et l’instructeur<br />
n’aura pas à faire lui-même ce travail. Mais chercher toutes les situations où le monoculaire<br />
sera utile et oser s’en servir, cela se fait en locomotion.<br />
Se sentir en danger<br />
En locomotion, on se heurte à un environnement jugé dangereux, ce qui, d’ailleurs,<br />
serait très exact si les méthodes de déplacement sécurisé, en particulier pour traverser,<br />
n’étaient pas mises en place. Un exemple : une personne ayant une DMLAa appris avec<br />
ARIBa – 4 ème Congrès International – Nantes, Novembre 2002