AUTOINSIDE Édition 12 - Décembre 2019
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POLITIQUE & DROIT<br />
Un autre a certes pu bénéficier, via des mesures<br />
super provisoires, de la protection juridique<br />
qu’il demandait (afin de pouvoir continuer<br />
à exister en tant qu’atelier malgré une<br />
résiliation). Pourtant, à un stade plus avancé<br />
de la procédure, le tribunal cantonal (de<br />
Soleure) s’est déclaré incompétent pour<br />
connaître de l’affaire et a renvoyé la PME devant<br />
une juridiction du nord de l’Italie pour<br />
faire valoir ses droits sur le fondement de la<br />
loi suisse sur les cartels.<br />
Durant l’automne <strong>2019</strong>, un tribunal cantonal<br />
(celui de Lucerne) a, pour la première fois, admis<br />
que le garagiste qui l’avait saisi avait eu<br />
raison de demander la protection juridique<br />
auprès de « son » tribunal cantonal en vertu<br />
de la loi sur les cartels. Le tribunal a conclu<br />
que la clause de for contenue dans un ancien<br />
contrat de concession et d’atelier n’était pas<br />
applicable et que le garagiste pouvait donc<br />
intenter une action auprès du tribunal de son<br />
siège social s’il demandait la conclusion d’un<br />
nouveau contrat d’atelier pour remplacer celui<br />
qui avait été résilié. Le tribunal de Lucerne<br />
a en outre suivi la jurisprudence de la<br />
Cour suprême allemande selon laquelle un<br />
importateur est en position dominante dans<br />
le secteur des services après-vente et doit<br />
donc proposer un nouveau contrat à un garagiste<br />
qui satisfait en principe aux normes<br />
qualitatives.<br />
Cette décision est certes un grand pas (en<br />
avant) dans la bonne direction, mais la jurisprudence<br />
reste disparate. Les tribunaux<br />
civils connaissent souvent trop mal le secteur<br />
de l’automobile. Beaucoup d’entre eux<br />
semblent considérer le caractère non contraignant<br />
de la Comauto comme un indice selon<br />
lequel la situation ne serait peut-être pas si<br />
problématique.<br />
Les conséquences de cette absence de protection<br />
juridique sont dramatiques pour le<br />
maintien d’une concurrence effective. Les<br />
importateurs de certaines marques et les entreprises<br />
et organismes de vente au détail de<br />
leurs groupes contrôlent bien plus de 50 %<br />
du marché de la vente et de l’après-vente.<br />
De plus en plus de PME familiales et d’entreprises<br />
traditionnelles disparaissent parce<br />
qu’elles ne peuvent pas se défendre contre<br />
les éventuelles résiliations ou les directives<br />
irréalistes des importateurs (chiffres des<br />
ventes, par exemple).<br />
On observe depuis quelques années une<br />
tendance croissante à l’intégration verticale.<br />
Cela signifie que les constructeurs ou leurs<br />
importateurs rachètent les entreprises situées<br />
en aval sur leur circuit économique,<br />
et notamment les concessionnaires et les<br />
ateliers. Ils ambitionnent de créer des monopoles<br />
et de contrôler ainsi la chaîne de<br />
création de valeur et d’approvisionnement.<br />
Moins il y a de garagistes sur le marché,<br />
moins la concurrence est forte. En fin de<br />
compte, les consommateurs finaux font toujours<br />
les frais de cette situation.<br />
Depuis 2018, certaines voix s’élèvent aussi<br />
sur le plan politique pour s’inquiéter de la<br />
baisse de la concurrence dans le secteur automobile.<br />
L’intervention parlementaire la plus<br />
importante en la matière est la motion Pfister,<br />
qui a été déposée en 2018. Elle vise à appliquer<br />
la loi sur les cartels de manière effective dans le<br />
secteur automobile et à empêcher les constructeurs<br />
automobiles internationaux de nuire aux<br />
garagistes et aux consommateurs par des pratiques<br />
biaisant la concurrence et isolant certains<br />
domaines.<br />
Le Conseil fédéral doit être chargé de créer une<br />
règlementation contraignante sur la base de<br />
l’article 6 de la loi sur les cartels pour garantir<br />
l’application effective et le respect de la Comauto.<br />
Il lui faut notamment faire en sorte que les<br />
tribunaux civils se considèrent comme tenus<br />
d’appliquer ce texte. Les garagistes bénéficieront<br />
ainsi d’une protection juridique minimale<br />
inscrite dans la loi, ce qui permettra de rétablir<br />
une concurrence effective. <<br />
Conclusion<br />
La Comauto manque de « dents » : les tribunaux<br />
ne se sentent pas tenus de l’appliquer<br />
dans sa forme actuelle, de sorte que la<br />
protection juridique n’est pas garantie. La<br />
motion Pfister veut maintenant donner aux<br />
tribunaux un moyen efficace et contraignant<br />
de faire en sorte que la protection juridique<br />
prévue pour les garagistes ne soit plus un<br />
tigre de papier et devienne un instrument<br />
susceptible d’être utilisé dans le combat de<br />
David contre Goliath. Le secteur automobile<br />
réclame une action politique. C’est pourquoi<br />
l’UPSA recommande de soutenir la motion<br />
Pfister. Il faut espérer que le Conseil admettra<br />
le caractère défaillant de la protection<br />
juridique et s’engagera fortement en faveur<br />
du secteur automobile suisse.