Sensee-Etude-Economique-Optique
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2.1.2. L’analyse économique révèle des incitations à la forclusion<br />
sur le marché de l’optique en France<br />
> Des incitations fortes à la forclusion par le<br />
monopole amont<br />
Le secteur de l’optique se caractérise par l’existence<br />
d’acteurs largement dominants sur les marchés amont :<br />
Essilor pour la fabrication de verres d’une part, Luxottica<br />
pour la fabrication de montures d’autre part (voir supra<br />
1.2.2. La fabrication de montures ; Luxottica est le leader<br />
mondial du secteur avec un chiffre d’affaires supérieur à<br />
6,2 milliards d’euros 312 , alors que son principal concurrent,<br />
Safilo réalise un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros 313 ).<br />
La concentration amont sur le marché de la fabrication<br />
des verres se prête à des analyses particulièrement intéressantes<br />
du point de vue concurrentiel (la production et<br />
la vente de montures, représentant une part nettement<br />
plus faible de la valeur dégagée sur le produit fini, ne<br />
sera pas retenu dans l’analyse suivante). Sur le marché de<br />
la fabrication de verres, le cas d’Essilor est particulièrement<br />
illustratif, avec plus de 40 % de parts de marché au<br />
niveau mondial et 90 % estimés au niveau français. Cette<br />
situation interpelle bien entendu l’analyse concurrentielle,<br />
notamment parce qu’elle crée une tension singulière<br />
entre l’amont et l’aval : l’amont se concentre autour<br />
d’un pôle très limité d’acteurs, alors que dans le même<br />
temps sur le marché aval les distributeurs semblent se<br />
livrer une compétition féroce. Cette tension, étudiée par<br />
David Martimort et Jérôme Pouyet dans le cadre d’un<br />
article inédit à paraître 314 , présente toutes les caractéristiques<br />
associées à l’existence d’un risque de forclusion.<br />
Un article scientifique inédit<br />
David Martimort et Jérôme Pouyet se sont interrogés sur<br />
le fonctionnement de ce marché et ses conséquences<br />
en particulier au niveau aval, dans un article inédit et à<br />
paraître (Downstream foreclosure in vertically differentiated<br />
markets), présenté en Annexe III : Forclusion et<br />
concurrence en qualité sur les marchés aval. L’objectif<br />
312 Luxottica, Luxottica Annual Report 2011, 2012.<br />
313 Safilo, Annual Report 2011, 2012.<br />
314 Ibid. supra<br />
80<br />
de leur recherche est de réfléchir aux incitations qu’une<br />
firme dominante en amont aurait à forclore le marché en<br />
aval, c’est-à-dire à s’engager dans des refus de fournir<br />
certains acteurs en aval.<br />
La structure du marché de l’optique répond, dans ses<br />
grandes lignes, à la définition d’une situation de forclusion.<br />
Le contexte est en effet celui d’une firme dominante<br />
en amont qui fournit son produit à des acteurs en<br />
aval, qui eux-mêmes l’utilisent pour fabriquer des biens<br />
vendus ensuite aux consommateurs finals.<br />
La forclusion, présentation classique<br />
Dans une organisation de marché de l’amont vers l’aval,<br />
une firme dominante en amont peut être amenée à mettre<br />
en œuvre des stratégies anticoncurrentielles de forclusion<br />
(« foreclosure » dans la littérature anglo-saxonne).<br />
La forclusion est définie comme étant l’exercice par une<br />
firme dominante sur un marché amont de pratiques cherchant<br />
à contraindre certaines firmes ou certains consommateurs<br />
évoluant quant à eux sur le marché aval dans<br />
leur accès à un input essentiel, et difficilement reproductible,<br />
dont dispose cette firme en amont. Ces pratiques<br />
cherchent en fait à propager le pouvoir de monopole<br />
amont au segment aval, même si ce dernier peut paraître<br />
a priori concurrentiel.<br />
Les méthodes de forclusion varient beaucoup selon les<br />
cas, mais elles ont toutes en commun le désir de mieux<br />
contrôler certains producteurs ou distributeurs en aval,<br />
soit au travers de contrats spécifiques, soit par des choix<br />
organisationnels subtils. Elles peuvent apparaître sous<br />
la forme de contrats d’exclusivité ou de quasi-exclusivité,<br />
de ventes liées, de pratiques tarifaires discriminantes<br />
excluant de facto certains concurrents à l’aval,<br />
de contraintes techniques limitant l’accès à l’input ou la<br />
qualité de cet accès, ou d’une véritable intégration verticale<br />
en direction de l’aval. La firme amont cherche en fait<br />
à répliquer une solution d’intégration verticale au travers