Sensee-Etude-Economique-Optique
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lants fournissant la qualité basse en aval pour augmenter<br />
la demande et le prix de ce segment. Mais cette stratégie<br />
vient cannibaliser le segment de haute qualité. Elle<br />
implique en effet l’érosion des marges et des profits sur<br />
ce segment supérieur. In fine, le monopole crée sa propre<br />
concurrence.<br />
Afin d’éviter ces stratégies de cannibalisation et protéger<br />
ses profits, le monopole amont peut vouloir nouer<br />
des contrats d’exclusivité avec des distributeurs représentant<br />
l’ensemble de la gamme. Dans cette hypothèse,<br />
l’acteur amont se transforme de facto en monopole intégré<br />
mono-produit verticalement vers l’aval, au détriment<br />
des consommateurs.<br />
> La forclusion dans le secteur de l’optique<br />
Cette analyse fait directement écho à la stratégie récente<br />
d’Essilor, acteur dominant du marché amont qui fournit<br />
des inputs à des distributeurs de lunettes en concurrence<br />
auprès des consommateurs finals.<br />
La double stratégie d’intégration et de diversification<br />
d’Essilor expliquée plus haut trouve ici son sens.<br />
La stratégie de différenciation d’Essilor<br />
En différenciant ses produits, Essilor multiplie les monopoles<br />
multi-produits verticalement intégrés et renforce<br />
sa position de leader. Pour y parvenir, Essilor diversifie<br />
sa gamme de produits de plusieurs façons.<br />
Une intégration plus forte en amont avec les laboratoires<br />
de recherche permet de développer de nouvelles technologies<br />
propices à extraire le surplus des consommateurs<br />
formant le haut du marché. Des investissements importants<br />
en recherche et développement lui permettent de<br />
préserver sa position de leader en innovant systématiquement<br />
sur le « haut de gamme », en produisant des<br />
verres de qualité toujours supérieure et complexes qui<br />
sont ensuite fournis aux distributeurs à l’aval. Ses filiales,<br />
comme BBGR, lui permettent de diversifier aussi sa<br />
production, sur des gammes plus basses.<br />
315 Frankfurter Allgemeine Zeitung, Preisabsprachen im « Herrz »-Kränzchen, 11 juin 2010.<br />
82<br />
Parallèlement, Essilor renforce sa position sur le bas du<br />
marché en développant une offre de lunettes prémontées<br />
(« readers »). Le groupe possède d’importantes capacités<br />
de production de lunettes prémontées et un portefeuille<br />
de marques conséquent, qui lui permet de distribuer ses<br />
produits à de nombreux opticiens ou centres commerciaux,<br />
etc.<br />
Cette stratégie entretient la position d’Essilor sur le<br />
marché, pour plusieurs raisons :<br />
— augmenter la gamme de produits permet de réduire<br />
les possibilités d’entrée de la part de compétiteurs. En<br />
élargissant son offre, l’opérateur en place limite la profitabilité<br />
de l’entrant potentiel ;<br />
— introduire une « fighting brand » pour concurrencer<br />
directement l’entrant permet de capturer une partie de<br />
l’accroissement de demande créé par l’arrivée de l’entrant.<br />
Dans les deux cas, l’entrant doit être plus efficace<br />
que l’opérateur en place pour pouvoir entrer profitablement.<br />
Ces deux stratégies sont parfaitement légitimes de la<br />
part de l’opérateur en place dès lors que chaque acteur<br />
est sur un « pied d’égalité », c’est-à-dire dès lors que<br />
chaque acteur a toute la latitude pour produire sa gamme<br />
de produits. Elles deviennent plus problématiques dès<br />
lors qu’un des acteurs détient un pouvoir de monopole<br />
sur la production d’un input essentiel à la production de<br />
ces produits finaux.<br />
La différenciation peut en outre avoir pour effet d’instituer<br />
un contexte favorable aux ententes collusives. Le producteur<br />
amont peut en effet chercher à empêcher l’entrant<br />
de s’approvisionner en input auprès d’autres producteurs.<br />
En 2010, le Bundeskartellamt allemand a ainsi condamné<br />
les trois producteurs qui se partagent la quasi-totalité du<br />
marché mondial (Essilor, Zeiss et Hoya) et d’autres à une<br />
amende de 115 millions 315 d’euros pour s’être entendus<br />
régulièrement pour une hausse des prix . Les relations<br />
multi-marchés sont en effet propices aux ententes collusives.<br />
La collusion tacite entre acteurs ne se réalise que