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Agone n° 10 - pdf - Atheles

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écrits artistiques des Cahiers semblent plus tenir du copinage que de la critique.<br />

Par ailleurs, les témoignages de Todrani et de Coline (7) (dessinateur au Provençal) insistent sur la quête du<br />

plaisir et d'un bonheur simple comme caractéristique de cette période d'après−guerre. Une tendance qui<br />

explique peut−être également ce manque de sens critique.<br />

Un tournant semble pourtant se dessiner à la fin des années cinquante. En janvier 1958, Jean Todrani<br />

formule des doutes sur la sincérité et la qualité du travail artistique en cours. Le texte commence par cette<br />

phrase lapidaire : « Le cérémonial des vernissages mis à part, la peinture se célèbre de plus en plus mal à<br />

Marseille (8) ». La scène artistique locale y est décrite comme un théâtre où se joue une comédie mièvre, tant<br />

du côté des acteurs que de celui du public : les acheteurs créent un climat affairiste dans lequel se complaisent<br />

les artistes. Jean Todrani s'insurge contre le manque d'initiative, la timidité générée par la crainte de choquer,<br />

qui empêche de dépasser une pratique artistique finalement conventionnelle. En 1959, à l'occasion de la<br />

présentation des travaux de Trofimoff, il écrit à Jean Ballard : « Avez−vous vu l'exposition ? Que faire ? Je<br />

crois qu'il faut absolument abandonner ces petits [...], ces demi−mesures, cette peinture à la petite semaine, je<br />

crois aussi que ce comportement est celui de l'amateur. Ce sont des amateurs, j'ai lâché le mot (9). »<br />

Selon Todrani, ce tournant critique s'expliquerait plutôt par l'évolution des poètes que par celle des peintres<br />

eux−mêmes. L'accès à la psychanalyse, à la linguistique et à la sémantique leur aurait permis de formaliser<br />

des problèmes jusque−là jamais clairement formulés : de nouvelles exigences et un autre regard, moins<br />

indulgent et moins complice, sur le travail des peintres.<br />

Il reste enfin à souligner les rapports qu'entretinrent les Marseillais des Cahiers avec la capitale : une<br />

attitude militante qui porte la revue à situer sans cesse les artistes provençaux par rapport à leurs homologues<br />

parisiens. Pour les plus anciens, elle revendique une place honorable dans l'histoire de l'art : « Il ne s'agit pas<br />

de demander que tous les peintres provençaux accèdent à l'échelon national mais de voir que l'étude des<br />

Loubon, Guigou, Guindon, Gresy, jusqu'à Seyssaud apporte une certaine lumière sur l'évolution de la peinture<br />

française. » Ainsi, à la mort de Seyssaud, on peut lire : « Les critiques d'art discutent encore qui de Van Gogh<br />

ou de Seyssaud fut le précurseur. » Puis, dès qu'ils le peuvent, les Cahiers soulignent l'intégration locale à un<br />

système plus vaste : lors de la manifestation « Les premières étapes de la peinture moderne » au musée<br />

Cantini, affirmant la « qualité rare de l'exposition (<strong>10</strong>) », la revue conclut par la bonne tenue des peintres<br />

locaux. Pour les plus jeunes, il s'agit de proclamer l'égalité avec leurs confrères parisiens. En 1953, un article<br />

compare plus que favorablement une exposition collective marseillaise de jeunes artistes locaux avec le salon<br />

de la jeune peinture parisienne. Enfin, les Cahiers se font un devoir d'« intégrer », dès que faire se peut, les<br />

peintres illustres. Ainsi lit−on : « Il faut considérer Cézanne comme un méditerranéen pour percer l'énigme » ;<br />

et si le musée Cantini présente, en 1954, une rétrospective Toulouse−Lautrec, « c'est parce que chez nous, il<br />

est aussi chez lui (11) ».<br />

Notes<br />

<strong>Agone</strong> <strong>10</strong> 4

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