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Il ne faut pas attacher trop d'importance à un agacement passager. Ces querelles n'ont pas de conséquence<br />
immédiate, les deux hommes étant liés par des intérêts communs. Mistral avance parfois les fonds pour la<br />
publication des Cahiers : mais il peut aussi en tirer quelque prestige. La réputation de la revue à cette date<br />
n'est plus à faire. Elle ne doit pas se mesurer à un tirage, qui reste modeste, de l'ordre de 2 000 exemplaires en<br />
1939 (à titre de comparaison, il était de moins de 1 500 au début de l'année 1933) (7), mais à une<br />
diversification intelligente des produits, l'édition d'ouvrages inédits étant venue s'ajouter à la publication<br />
mensuelle, et à une diffusion qui se fait désormais à l'échelle internationale.<br />
Pour ce faire, il est pratiquement impossible de se passer totalement des services des « professionnels » de la<br />
communication. L'expérience des premières années est sans doute décisive à cet égard. Les abonnés recrutés<br />
par « relations » ne restent pas longtemps fidèles à une publication, dont le style a singulièrement changé en<br />
même temps que le titre de la revue. La nécessité de faire connaître les Cahiers au−delà de Marseille et de la<br />
région suppose un relais parisien (ce sera le rôle de José Corti). Elle implique l'établissement de relations<br />
suivies avec des partenaires publics (les ministères) et privés, c'est−à−dire un travail permanent de<br />
démarchage sur lequel il faudra revenir. Elle nécessite le recours à une entreprise de distribution, en<br />
l'occurrence les Messageries Hachette, ce qui n'a rien de très original (8). Les relations avec Hachette datent<br />
du début des années vingt, mais elles sont officialisées en juin 1927 par un contrat portant sur une durée de<br />
cinq années et assorti d'une exclusivité de vente, « en France et dans les colonies ». L'administration de la<br />
revue se charge de livrer au bureau des Messageries, rue Glandevès, les exemplaires à mettre en vente et de<br />
reprendre les invendus (9). Elle paie, à titre d'indemnité, une somme forfaitaire destinée à couvrir les frais de<br />
distribution, d'emballage et de réexpédition à l'extérieur. Il s'agit là d'un système classique de distribution, qui<br />
facilite la mise en place des exemplaires dans les différents points de vente, à Marseille et dans le reste de la<br />
France, mais qui est très contraignant, ne serait−ce que par le monopole de vente qu'il exige et par les<br />
dépenses qu'il entraîne. Seulement, refuser ce monopole, c'est s'obliger à acquitter des frais d'expédition<br />
encore plus élevés, soit par la poste, soit par l'intermédiaire d'un transporteur. Il s'agit là en définitive de<br />
dépenses incompressibles, auxquelles viennent s'ajouter des débours moins évidents, mais tout aussi<br />
nécessaires, frais de « représentation », de déplacement ou commissions laissées à certains intermédiaires.<br />
La recherche d'appuis extérieurs ne correspond pas seulement à des besoins financiers. Elle conditionne le<br />
développement des Cahiers qui ont absolument besoin d'être reconnus par une « élite » internationale pour<br />
atteindre la notoriété. L'aide apportée par les compagnies de navigation et l'hôtellerie de luxe, en France et en<br />
Afrique du Nord (et, beaucoup plus tard, par les offices de tourisme) ne se traduit pas seulement par des<br />
subventions publicitaires, dont nous avons par ailleurs mesuré l'importance (<strong>10</strong>). Elle permet de faire<br />
connaître les Cahiers par les exemplaires déposés dans les salons des paquebots et des résidences touristiques.<br />
De même, les centaines d'abonnements souscrits par les services de l'Éducation nationale et surtout par ceux<br />
des Affaires étrangères assurent à la fois une précieuse « rentrée » d'argent et une diffusion internationale. Il<br />
suffit de parcourir la liste de ces correspondants à l'étranger pour s'en rendre compte (11).<br />
Du même coup, on conçoit l'importance des contacts pris par Ballard avec ses interlocuteurs dans les<br />
entreprises et dans les ministères. Plus le temps passe, plus il va y consacrer de temps. Cela suppose des<br />
visites, des démarches incessantes, qu'il ne pourra guère assumer seul, quel que soit son désir de garder le<br />
contrôle de l'affaire, du moins tant qu'il n'est pas entièrement libre de son temps. S'il assure lui−même<br />
l'essentiel de ces indispensables « relations publiques », il est contraint de recourir pour faire le<br />
« démarchage » auprès de possibles annonceurs à des intermédiaires souvent besogneux, sachant du reste que<br />
le passage par une agence de publicité lui enlèverait encore quelques ressources sous forme de commissions<br />
<strong>Agone</strong> <strong>10</strong> 3