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<strong>Agone</strong> <strong>10</strong><br />
Un travail artisanal. Essai sur le fonctionnement des "<br />
Cahiers du Sud "<br />
Témime Émile<br />
Un travail artisanal<br />
Essai sur le fonctionnement des Cahiers du Sud<br />
Il convient au départ de s'entendre sur les mots que l'on emploie et sur leur signification. Jean Ballard ne<br />
cesse, tout au long de sa correspondance, de parler à propos de la mise en oeuvre des Cahiers du Sud d'un<br />
travail d'« artisan ». Faut−il entendre par là que la fabrication de la revue représente, à tous les stades, de la<br />
collecte des articles à la mise en page, de la recherche des annonces publicitaires à l'expédition des<br />
exemplaires, une création continue, renouvelée à chaque numéro ? Faut−il insister sur le rôle essentiel du<br />
directeur, seul responsable du produit qui va être livré au public, même s'il s'entoure d'un comité de rédaction<br />
efficace ou s'il recourt à des services extérieurs, indispensables pour assurer l'impression et la distribution de<br />
son « magazine » ? La réponse aux deux questions est, sans nul doute, positive. On ne sépare pas l'homme et<br />
l'oeuvre : ils sont si intimement liés qu'ils ne sauraient exister l'un sans l'autre.<br />
Nous avons parlé de direction. Le terme, à vrai dire, est trop faible. Ballard est « tout » aux Cahiers. Il<br />
exagère sans doute quelque peu quand il se présente comme fondateur de la revue. Il fait partie du petit groupe<br />
de ces très jeunes hommes qui, autour de Pagnol, ont créé Fortunio à la veille de la guerre de 1914. Mais il n'a<br />
vraiment pris de place importante dans l'entreprise qu'à partir de 1920. S'il se pare alors du titre de<br />
directeur−administrateur, c'est que Pagnol n'a guère envie de s'occuper des besognes subalternes que réclame<br />
la survie de cette petite publication de province. Il ne reçoit officiellement la charge de trésorier qu'en 1923.<br />
Dès ce moment toutefois, et avant même que le titre ancien (Fortunio) ne soit abandonné, il assume<br />
entièrement les responsabilités financières. C'est lui qui négocie et obtient les premières annonces<br />
publicitaires, lui qui traite avec les imprimeurs et les transporteurs, lui enfin qui installe la revue dans les<br />
locaux du quai du Canal où il passera désormais, une fois remplies ses obligations professionnelles, une<br />
grande partie de son temps en compagnie de Marcelle Ballard qui assure les tâches de secrétariat. Les Ballard<br />
y habiteront même quelque temps après la destruction de leur appartement du quai des Belges par le<br />
bombardement de 1944. Et si Jean Ballard n'a pas les moyens d'acheter immédiatement le « grenier », c'est<br />
encore lui qui le fait aménager, dans les années vingt, en ayant recours à de petits entrepreneurs qu'il paie en<br />
partie en leur faisant une place dans les feuillets publicitaires des Cahiers. Si les locaux ne lui appartiennent<br />
pas légalement, il se considère comme le véritable propriétaire de la revue. Il a d'ailleurs quelques raisons de<br />
revendiquer ce titre. N'est−ce pas lui qui a ouvert un compte −− fort mal approvisionné dans les premiers<br />
temps −− au Crédit lyonnais pour y recevoir les modestes crédits qui lui permettent d'assurer, bon an, mal an,<br />
les frais de parution d'une publication mensuelle ? Par la suite, la confusion reste constante dans une<br />
comptabilité souvent difficile à suivre entre les ressources de Ballard et celles des Cahiers. Il est même parfois<br />
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