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Nous progressâmes en silence, ne parlant que rarement. De temps à autre, il me posait une question au<br />

hasard, de celles qui avaient échappé à ses investigations des deux jours précédents. Mon anni<strong>vers</strong>aire,<br />

mes enseignants de l'école primaire, les animaux de mon enfance – je dus avouer que, après avoir tué<br />

trois poissons rouges à la suite, j'avais renoncé à ce genre d'institution. Ce détail provoqua en lui une<br />

hilarité d'une vigueur inédite, l'écho de ses rires pareils à des clochettes se répercutant à tra<strong>vers</strong> la forêt<br />

déserte.<br />

La balade nous prit presque toute la matinée, mais il ne fit pas une fois montre d'agacement. Les bois<br />

s'étalaient alentour en un labyrinthe infini de très vieux arbres, au point que je commençai à me<br />

demander avec nervosité si nous retrouverions notre chemin. Lui était parfaitement à l'aise dans cette<br />

toile de verdure et paraissait n'avoir aucun doute quant à notre trajectoire.<br />

Au bout de quelques heures, la lumière filtrée par la feuillée passa d'un vert olive soutenu à un jade<br />

plus clair – le soleil l'avait emporté, comme prévu. Pour la première fois depuis que j'avais pénétré<br />

dans la forêt, l'excitation s'empara de moi et ne tarda pas à se transformer en impatience.<br />

— On est bientôt arrivés ? Lançai-je, faussement bougonne.<br />

— Presque, répondit-il, mon changement d'humeur déclenchant un rictus narquois. Tu vois la lueur,<br />

là-bas ? Je scrutai les arbres.<br />

— Euh... non.<br />

— C'est sans doute un peu trop loin pour tes yeux.<br />

— Alors, il serait temps que j'aille chez l'ophtalmo, marmottai-je, ce qui le fit rire.<br />

Au bout d'une centaine de mètres cependant, je distinguai en effet sous les <strong>fr</strong>ondaisons une trouée plus<br />

jaune que verte. J'accélérai, de plus en plus fiévreuse. Me laissant passer devant, il me suivit sans bruit.<br />

Franchissant la dernière rangée de fougères, j'entrai dans l'endroit le plus ravissant du monde. La<br />

clairière, petite et parfaitement ronde, était tapissée de fleurs violettes, jaunes et blanches. À quelques<br />

mètres de là, murmurait un ruisseau. Le soleil tombait droit sur nous, noyant la place sous un halo de<br />

lumière mordorée. Intimidée, j'avançai lentement dans l'herbe tendre, les pétales chatoyants, l'air tiède<br />

et doré. Je me retournai à demi, désireuse de partager cet instant avec lui, mais il n'était plus là. Je le<br />

cherchai vivement des yeux, soudain alarmée, et finis par le repérer – il était resté dans l'ombre épaisse<br />

des feuilles, à l'orée de la clairière et me contemplait prudemment. Me revint alors en mémoire ce que<br />

la beauté des lieux m'avait fait oublier – l'énigme d'Edward et du soleil qu'il avait promis de me<br />

montrer aujourd'hui.<br />

Je fis un pas <strong>vers</strong> lui, pleine de curiosité. Il paraissait circonspect, réticent. Avec un sourire<br />

encourageant, je l'invitai à venir et me rapprochai encore. Il leva le bras, et je m'arrêtai, oscillant sur<br />

mes talons. Il parut inhaler longuement puis plongea dans l'éclatante aura du soleil de midi.

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