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gnants, géographes ou non, qui vous transportai<strong>en</strong>t<br />

à travers leurs descriptions ; c'étai<strong>en</strong>t des vacances<br />

virtuelles. Ces hommes n'<strong>en</strong>seignai<strong>en</strong>t pas unique¬<br />

m<strong>en</strong>t, ils transmettai<strong>en</strong>t du vivant, de la réalité pal¬<br />

pable, du plaisir...<br />

Le savoir-aimer ses élèves et sa discipline est une<br />

condition du savoir-transmettre. Et cette attitude est<br />

bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core prés<strong>en</strong>te chez nombre de collè¬<br />

gues. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, remonter à la surface quelques<br />

faits peut apparaître comme dénué d'intérêt, voire<br />

mièvre. Mais l'<strong>en</strong>fant de condition modeste que<br />

j'étais y trouvait valorisation et intérêt. C'était une<br />

ouverture sur le monde, un rêve sans fin raconté par<br />

des g<strong>en</strong>s différ<strong>en</strong>ts. Cela me sortait de mon quotidi<strong>en</strong><br />

même si je ne l'exprimais pas ainsi à ce mom<strong>en</strong>t-là.<br />

L'école, c'était la liberté, l'"oubli" des problèmes<br />

financiers de mes par<strong>en</strong>ts, l'"oubli" de leurs scènes de<br />

ménage trop souv<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>tes, l'"oubli" de ce temps<br />

volé que je consacrais aux tâches ménagères car ma<br />

mère ne les faisait pas.<br />

Si l'école m'a ouvert l'esprit, m'a donné <strong>en</strong>vie de<br />

connaître d'autres choses, je n'étais pas un très bon<br />

élève ; j'étais un élève moy<strong>en</strong>. J'ai même redoublé<br />

mon CP à une époque où cela équivalait à ne jamais,<br />

statistiquem<strong>en</strong>t parlant, réussir le bac. Quand je me<br />

suis retrouvé <strong>en</strong> ville, à l'internat, j'ai aimé les biblio¬<br />

thèques, lieux de calme, lieux de livres. Sans arg<strong>en</strong>t<br />

pour d'év<strong>en</strong>tuels loisirs, je passais, <strong>en</strong> classe de<br />

seconde, mes mercredis après-midi à la bibliothèque<br />

municipale de Brou à Bourg-<strong>en</strong>-Bresse. Tout était <strong>en</strong><br />

bois et le parquet craquait, à ma grande gêne, sous<br />

chacun de mes pas. Lire, c'était partir, c'était voyager<br />

dans le temps et l'espace ; c'était égalem<strong>en</strong>t se perdre,<br />

<strong>en</strong> oubliant le lieu, la bibliothèque, et les hommes<br />

pour n'être plus qu'un dans cette ruche du savoir.<br />

Cela m'a fait aimer la géographie. Cette sci<strong>en</strong>ce du<br />

tout, car le territoire est partout prés<strong>en</strong>t.<br />

J'ai connu mes premiers élèves "difficiles" alors que<br />

j'étais surveillant d'externat dans un lycée profes¬<br />

sionnel métallurgique. Les élèves n'étai<strong>en</strong>t évidem¬<br />

m<strong>en</strong>t pas tous "<strong>en</strong> difficulté" : il y avait de bonnes<br />

sections (électrotechnique...) et d'autres où les élèves<br />

avai<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t été volontaires (4e technologique...), et<br />

puis <strong>en</strong> dehors de ce classem<strong>en</strong>t il y avait comme tou¬<br />

jours la diversité des hommes. Les élèves étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

grande partie ceux de la ligne 36 qui relie deux (ex)<br />

ZUP, celle de la Duchère à celle des Minguettes. Les<br />

élèves, surtout les plus jeunes, étai<strong>en</strong>t très durs <strong>en</strong>tre<br />

eux ; il n'était pas rare de les voir se battre pour une<br />

tranche de pain à la cantine... Pour exister, il fallait<br />

s'imposer et écouter.<br />

1 Ce géographe est dev<strong>en</strong>u une référ<strong>en</strong>ce dans les années quatre-vingt avec la revue Hérodote.<br />

2 Lacoste, Y. 1976, La géographie, ça sert, d'abord, àfaire la guerre, Paris, Maspero.<br />

3 Lacoste, Y. 1998, Vive la nation, Paris, Fayard, p. 31.<br />

LA RECHERCHE, UNE OUVERTURE<br />

SUR LE MÉTIER<br />

Après l'agrégation, j'ai souhaité continuer mes étu¬<br />

des <strong>en</strong> préparant un DEA. L'objectif n'était plus<br />

d'obt<strong>en</strong>ir un rev<strong>en</strong>u mais de me faire plaisir. J'ai donc<br />

pris contact avec Yves Lacoste1, professeur de géo¬<br />

graphie à Paris 8-Saint-D<strong>en</strong>is et directeur du C<strong>en</strong>tre<br />

de Recherche et d'Analyse Géopolitique. Ce géo¬<br />

graphe a révolutionné la géographie, tout particuliè¬<br />

rem<strong>en</strong>t avec son ouvrage La géographie, ça sert, d'abord,<br />

à faire la guerre2. Pour Y. Lacoste, la géographie n'est<br />

pas uniquem<strong>en</strong>t une description de paysages, un li<strong>en</strong><br />

hommes/histoire/nature mais c'est égalem<strong>en</strong>t une<br />

dynamique de territoires, où les échelles jou<strong>en</strong>t un<br />

grand rôle, sur lesquels les hommes sont <strong>en</strong> rivalité<br />

voire <strong>en</strong> conflit et us<strong>en</strong>t de représ<strong>en</strong>tations, de dis¬<br />

cours... Ces géographes ont, selon le mot de Pierre<br />

Georges, une conception très "active3" de la<br />

géographie.<br />

Lors de notre première r<strong>en</strong>contre, Yves Lacoste<br />

m'avait proposé de travailler sur Vaulx-<strong>en</strong>-Velin,<br />

commune sur laquelle j'<strong>en</strong>seignais à ce mom<strong>en</strong>t-là.<br />

J'avoue que je n'étais guère <strong>en</strong>thousiaste ; j'aurais<br />

voulu travailler sur les zones rurales ou sur<br />

l'outre-mer. Les banlieues, les quartiers difficiles<br />

c'était déjà mon quotidi<strong>en</strong> depuis plusieurs années,<br />

cela n'avait ri<strong>en</strong> d'exotique, de dépaysant. C'est vrai,<br />

ces <strong>en</strong>fants connaissai<strong>en</strong>t des situations difficiles<br />

30 PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDUCATION, N° 49, 2000

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