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admise, l'infraction à la règle du jeu imposée"10 ; il<br />
s'agit "d'attribuer à l'autre la responsabilité de ses<br />
actes"11. De plus, oublier son cahier n'a ri<strong>en</strong> de com¬<br />
parable avec des propos outrageants t<strong>en</strong>us <strong>en</strong>vers un<br />
camarade.<br />
Dans la première situation, la règle est rappelée la ou<br />
les premières fois et le cahier est vérifié. Au pire,<br />
l'élève vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> classe pour le mettre à jour, <strong>en</strong> sus de<br />
ses heures de cours. Dans le second cas, l'élève est<br />
repris la première fois, puis sanctionné. Et <strong>en</strong>core,<br />
tout n'est pas perçu comme grossier : le mot "putain"<br />
sert souv<strong>en</strong>t à introduire une phrase12 ; là, il suffit de<br />
souligner, avec humour, que cet usage n'est pas<br />
reconnu. Dans l'év<strong>en</strong>tualité d'une sanction plus<br />
grave, l'investissem<strong>en</strong>t de l'<strong>en</strong>seignant est important.<br />
Dans une conception d'échange professeur/élèves<br />
les sanctions demeur<strong>en</strong>t, si possible, <strong>en</strong> dehors de<br />
l'administration du collège pour que le professeur<br />
ne se déresponsabilise pas. De surcroît, la multipli¬<br />
cation des heures de ret<strong>en</strong>ue est souv<strong>en</strong>t<br />
contre-productive : l'élève n'y va plus, les heures<br />
non faites devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ingérables. D'aucuns p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t<br />
qu'il est préférable d'opter pour un système plus<br />
contraignant pour l'<strong>en</strong>seignant mais plus efficace à<br />
terme. Il faut égalem<strong>en</strong>t que les sanctions soi<strong>en</strong>t per¬<br />
çues par l'élève comme supérieures à la faute. Par<br />
exemple, il est durem<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ti par l'élève de sortir<br />
du cours <strong>en</strong> retard. Pour lui, cela veut dire ne plus<br />
être avec les autres, manquer la récréation, arriver<br />
après les autres au repas... Ces quelques minutes de<br />
garde val<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> des heures de ret<strong>en</strong>ue. Contraire¬<br />
m<strong>en</strong>t à ce qui est souv<strong>en</strong>t dit, les jeunes ne recher¬<br />
ch<strong>en</strong>t pas l'autorité (qui la recherche d'ailleurs ?). Ils<br />
s'y soumett<strong>en</strong>t après avoir testé le professeur. Tou¬<br />
tefois, ce système ne serait pas humainem<strong>en</strong>t viable<br />
s'il n'allait pas de pair avec une attitude de respect et<br />
d'intérêt pour les élèves. De même, la mise <strong>en</strong> uvre<br />
10 Meirieu, P., op. cit., p. 65.<br />
1 1 Ibid, p. 66.<br />
d'un tel système implique un fort investissem<strong>en</strong>t ini¬<br />
tial de l'<strong>en</strong>seignant.<br />
La mise <strong>en</strong> uvre des règles de vie n'est pas aisée.<br />
Nous sommes dans un rapport de force où l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant doit s'imposer. Ce travail de prise de pouvoir<br />
dure généralem<strong>en</strong>t plusieurs semaines, quinze jours<br />
dans la majeure partie des classes mais parfois<br />
davantage pour certaines classes (il m'est arrivé une<br />
fois d'y passer près de deux mois). C'est par le rap¬<br />
pel quotidi<strong>en</strong>, mais c'est égalem<strong>en</strong>t par la mise <strong>en</strong><br />
pratique personnelle que cela <strong>en</strong>tre, peu à peu, dans<br />
les murs. De surcroît, la mise <strong>en</strong> uvre du cadre<br />
de travail (règles, sanctions...) ne se fait pas toujours<br />
sans opposition. Un élève refusant d'obéir, la<br />
demande est répétée, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t plusieurs fois,<br />
jusqu'à ce que l'adolesc<strong>en</strong>t obtempère. Quelle que<br />
soit la valeur des argum<strong>en</strong>ts avancés par l'élève <strong>en</strong><br />
cause, il n'est pas souhaitable de céder. Par la suite,<br />
quand le rapport de force est favorable à l'<strong>en</strong>sei¬<br />
gnant, des aménagem<strong>en</strong>ts peuv<strong>en</strong>t être cons<strong>en</strong>tis<br />
(accepter un changem<strong>en</strong>t de place...). Mais au<br />
début, force doit rester à la parole, aux choix de<br />
l'<strong>en</strong>seignant.<br />
Cette mise <strong>en</strong> route du groupe classe est un travail<br />
opiniâtre, difficile et ingrat au début. Il faut donc se<br />
remobiliser de temps à autre par la lecture ou la relec¬<br />
ture d'un article, comme celui d'Estève11, de passages<br />
d'un ouvrage collectif14 ou du dernier Meirieuls. Je<br />
n'approuve pas forcém<strong>en</strong>t tout ce qui y est dit mais<br />
cela interroge et libère quelque peu. De plus, ce sont<br />
des lectures simples et pratiques pour un non-spécia¬<br />
liste <strong>en</strong> sci<strong>en</strong>ces de l'éducation.<br />
Céder, c'est laisser le champ libre, c'est perdre la<br />
considération des élèves et, surtout, c'est risquer<br />
d'<strong>en</strong>durer un rapport de force défavorable. Concrè¬<br />
tem<strong>en</strong>t, abandonner face à l'opposition <strong>en</strong> acceptant<br />
bavardages, grossièretés, retards... ou quitter la scène<br />
1 2 C'est le fameux "Putain" suivi d'une virgule qui correspond, ici et ailleurs, aux phrases comm<strong>en</strong>çant par "Toutefois", "Néanmoins"...<br />
13 Estève, J.-M., Le malaise des <strong>en</strong>seignants, Revuefrançaise de pédagogie, n° 84, juillet-août-septembre 1984, p. 45-56.<br />
14 Notamm<strong>en</strong>t Ainsi change l'école, Autrem<strong>en</strong>t, 1993, série Mutations, particulièrem<strong>en</strong>t l'article de E. Rogovas-Chauveau et<br />
G. Chauveau, et Construire ses savoirs, construire sa citoy<strong>en</strong>neté, Lyon : Chronique sociale, 1996, 315 p.<br />
15 Meirieu, P., L'école ou la guerre civile, Paris : Pion, 1997, 21 1 p.<br />
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