Loup d'aveugle

mon horloge interne était tellement détraquée ces jours-ci
qu’elle n’avait pas suffi à me tirer du sommeil.
ŕ Salut, ai-je croassé l’air de rien, comme si je n’étais pas du
tout en train de braquer mon flingue sur le livreur.
Je me suis empressée de baisser mon arme tout en essayant
de sourire. Le taillis exubérant tremblait tellement qu’il
parsemait mon seuil d’une abondance de pétales. J’ai jeté un
coup d’œil au miroir du meuble d’entrée et j’ai compris la raison
de son effroi. Mes longs cheveux bruns formaient une
broussaille innommable et j’avais les yeux tellement injectés de
sang qu’on ne voyait même plus qu’ils étaient gris. Pour ne rien
gâcher, des semaines entières de nuits quasi blanches et de
danger permanent avaient transformé mon sourire en une
grimace tenant plus du chien montrant ses dents que d’autre
chose. Mais le livreur ne s’est pas laissé démonter. Il avait peutêtre
l’habitude des propriétaires énervés, tendance « fou à lier ».
ŕ Mademoiselle Accalia de Croissets ?
Bizarrement, il n’a pas écorché mon nom.
ŕ Lia, ai-je rectifié par réflexe tout en essayant d’atteindre
mon sac, posé sur le meuble d’entrée, pour en extraire un
pourboire.
J’étais en train de me demander quel était le tarif quand on
venait de pointer son flingue sur un livreur lorsque mon sac a
glissé entre mes doigts engourdis de sommeil. Je me suis
baissée pour le ramasser, juste à temps pour esquiver un sort
qui fusa à travers le hall d’entrée pour finir sa course dans le
salon. Au passage, il a fracassé la cloison séparant les deux
pièces. Le temps de voir une pluie de miettes de Placoplatre
tomber sur la moquette, j’ai levé mon pistolet et tiré. Les balles
ont mis les roses en charpie mais n’ont rien fait au mage déguisé
en livreur qui se tenait derrière. J’ai compris qu’il avait des
boucliers dès que l’une des balles a ricoché dessus et est venue
m’érafler la joue. J’ai donc fini par lui balancer le meuble
d’entrée dessus avant de m’enfuir, tout en me traitant de tous
les noms.
Mon nouveau boulot, c’était de former les nouvelles recrues
du Corps des mages guerriers, l’équivalent magique de la police.
La plupart de mes étudiants étaient désespérément naïfs en
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