Loup d'aveugle

jeter sur le sol de la cuisine, sans savoir s’il avait été touché ou
pas. J’avais eu l’impression que mes entrailles se déversaient
sur le lino. Le métabolisme garou étant ce qu’il était, ses
cicatrices disparaîtraient en une journée à peine, mais s’il
n’avait pas réagi au quart de tour… Cyrus m’a regardée un
moment avant de m’attirer à lui et de me prendre délicatement
dans ses bras. J’ai fermé les yeux et me suis laissé aller à son
étreinte lâche. Il a effleuré mon oreille de sa bouche.
ŕ J’ai encaissé bien pire en chassant, a-t-il dit.
Puis, encore plus doucement :
ŕ Tu m’as fait super peur.
Et on s’est serrés si fort que le cuir de sa veste s’est mis à
crisser.
ŕ Tu dors où ? a-t-il demandé au bout d’un moment.
J’ai cligné des yeux. Effectivement, je n’allais pas m’amuser à
rentrer chez moi. Même si la maison avait été habitable, je
n’avais pas intérêt à y retourner avec cette sorcière des Ténèbres
qui me poursuivait.
ŕ Je n’y ai pas encore réfléchi.
ŕ Dans ce cas, c’est décidé : tu viens avec moi.
La moto de Cyrus, une Harley-Davidson noire et argentée,
était garée devant le bâtiment. C’était là que je laissais la
mienne d’habitude, étant donné que personne ne s’était encore
donné la peine de faire des places de parking. Cyrus a enjambé
l’engin et j’ai grimpé derrière lui. On est partis en ignorant les
grimaces des gardes postés devant le portail principal. J’ai posé
la joue sur son dos et je me suis laissé aller à cette sensation de
liberté, au plaisir de sentir l’air frais de la nuit. Après cette
journée entière passée de couloirs étouffants en bureaux
sinistres, c’était incroyablement grisant.
ŕ Tu veux de la pizza ? a-t-il hurlé quelques minutes plus
tard.
ŕ Seulement si je choisis la garniture.
ŕ Marché conclu.
On s’est ravitaillés en vitesse dans un restaurant de nuit qui
n’était pas totalement désert et on est allés au motel que Cyrus
considérait pour le moment comme « chez lui ». Sa chambre
n’était pas bien grande mais propre. Elle était équipée d’un
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