Loup d'aveugle

climatiseur bruyant mais en état de marche. Il a fait tomber sa
veste et s’est mis à vérifier minutieusement le mécanisme de ses
pistolets avant de les poser à portée sur la table de nuit. Enfin, il
s’est autorisé à se détendre : il s’est débarrassé de ses bottes et
s’est étendu, en tee-shirt et en jean, sur le lit. J’ai emprunté un
de ses tee-shirts et j’ai pris une douche plus que nécessaire.
J’avais refait mon stock de potions et de munitions au quartier
général mais, comme vêtement, je n’avais trouvé dans mon
casier qu’une paire de vieilles chaussettes trois fois trop larges.
Heureusement, un tee-shirt, c’est un tee-shirt et celui de Cyrus
m’allait très bien, d’autant qu’il était assez long pour couvrir
mon jean taché de sang.
On n’avait pas de table mais il avait posé la pizza au milieu
du lit, avec des serviettes pour absorber la graisse. Je n’avais pas
mangé de la journée. D’un seul coup, je crevais de faim. La pâte
était détrempée au centre et froide sur les bords mais c’était
délicieux. J’ai réussi à engloutir ma moitié et je me suis allongée
sur le dos, les yeux rivés aux dalles du plafond criblées de traces
d’humidité. La grande classe.
J’ai laissé mon corps se détendre. Je n’aurais pas dû. Jusquelà,
je tenais grâce à l’adrénaline et au réflexe conditionné qu’on
m’avait inculqué pendant ma formation : il me permettait de
continuer à me battre malgré la douleur, l’épuisement et la
peur, en reléguant mes émotions au second plan jusqu’au
moment où je serais suffisamment en sécurité pour les analyser.
Cette capacité avait commencé à me lâcher lorsque Hargrove
m’avait expliqué que les quatre recrues avaient été visées parce
qu’il s’agissait de mes étudiants. En gros, j’avais tué Adam deux
fois : si je n’avais pas été son instructrice, il ne se serait jamais
retrouvé mêlé à ça. J’avais l’impression que ma cage thoracique
était prise dans un étau invisible.
Les mains tendres de Cyrus sur mon visage ne m’aidaient
pas. Ses caresses me faisaient vibrer. Je sentais mon corps
brûler et mon estomac se nouer. Il s’est penché sur moi pour
m’embrasser, si doucement et si intensément que j’ai cru me
noyer dans le matelas. Je sentais ses dents lisses et acérées
mordiller les lobes de mes oreilles, ses grandes mains rugueuses
glisser sur mon corps. Le simple fait de sentir sa chaleur
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