Loup d'aveugle

ŕ Pas si fort ! ai-je chuchoté. Et c’est la même chose ! Tu as
peur de me toucher, et pourtant je suis sûre que tu serais prêt à
encaisser une balle à ma place !
ŕ Dis-moi que je suis stupide, tant que tu y es !
ŕ Je suis sérieuse, Cyrus.
ŕ Moi aussi !
ŕ Tu veux dire que tu ne te jetterais pas devant moi pour me
protéger d’une balle ?
ŕ Avec tes boucliers ? J’aurais plutôt tendance à me jeter
derrière toi !
ŕ Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu n’es pas plus… intense
quand on est ensemble ?
Il a poussé un grognement.
ŕ Parce que j’essaie de te faire plaisir !
ŕ Mais pourquoi penses-tu que…
ŕ Quelle partie de ta vie n’est pas intense, Lia ? a-t-il
demandé. Tu passes ton temps à te faire tabasser, maltraiter,
poignarder, tirer dessus et ensorceler jusqu’à ce que mort
s’ensuive ! Je me disais que tu avais besoin que je t’offre
quelque chose d’un peu différent. (Ses mains ont délaissé mes
bras pour explorer mes épaules, mon cou et mes joues.) Je
pensais que tu en avais assez de l’intensité… (Sa main est passée
de ma joue à ma poitrine. J’ai inspiré profondément.) que tu
avais besoin de changer de registre. D’un peu de douceur.
J’ai appuyé mon visage contre sa joue encore chaude de
sommeil.
ŕ Bon. D’accord, ai-je soupiré. Très intense.
Cyrus a attiré ma bouche contre la sienne. Il s’est emparé de
mon visage à deux mains et l’espace d’un instant, tout s’est mis
à tanguer : mon estomac, la chambre, l’univers. Et je lui ai
rendu son baiser avec fougue. Ses doigts se sont crispés sur ma
nuque et il m’a serrée contre lui. Sa bouche avait le goût de
chocolat ; de ténébreuses promesses, de toutes ces vacances
dont je n’avais jamais profité.
ŕ Dites donc ! Ça suffit, maintenant ! (J’ai levé les yeux et
j’ai vu trois aides-soignants hilares et un Sedgewick menaçant.)
Je vous avais dit cinq minutes ; pas cinq heures, a-t-il aboyé.
ŕ Elle a dormi la moitié du temps, a protesté Cyrus.
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