Loup d'aveugle

Sa voix nous parvint étrangement adoucie. Ses yeux étaient
ce qu’elle avait de plus joli. À peu près de la même couleur que
ses cheveux, ils brillaient d’un brun roux, à peine plus sombre.
En cet instant, ils paraissaient morts. Je détestais cette
impression.
Le nœud serra davantage.
ŕ Votre cousine Agnès vous l’a-t-elle dérobé ?
ŕ Oui.
Escott me jeta un regard interrogateur. Il se rallierait à ma
décision. Il allait avoir besoin de moi et pas uniquement pour
couvrir ses arrières.
ŕ J’en suis, dis-je.
J’avais très envie de voir à quoi ressemblait un bijou maudit.
Il hocha la tête et se tourna vers notre nouvelle cliente.
ŕ Vous pouvez nous faire confiance, Mlle Weaver, et cette
déclaration constituait à la fois un accord et une instruction.
ŕ Très bien, répondit-elle d’un ton presque normal.
Je refermai silencieusement la porte. L’obscurité se fit. Mlle
Weaver retrouverait ses esprits sous peu. Ma tête me lançait.
C’était certainement la culpabilité. Plus j’éprouvais ce sentiment
et plus la douleur était aiguë. Je n’aime pas du tout hypnotiser
les gens. Et encore moins les femmes. J’ai mes raisons.
Mlle Weaver ne se souviendrait de rien. Ce qui était tout
aussi bien. Dans le cas contraire, elle m’en aurait certainement
collé une bonne, et je l’aurais bien méritée.
Escott fut satisfait de ne pas avoir été dupé et poussé à
commettre un acte criminel, si tant est que ce que nous nous
apprêtions à faire soit très légal. Lorsque Mlle Weaver revint à
elle, ils se serrèrent la main, concluant ainsi leur accord. Voler
un objet déjà dérobé n’avait rien de nouveau pour Escott. Ces
affaires n’étaient certes pas très stimulantes mentalement, mais
elles avaient au moins le mérite de payer ses factures. Ce serait
du gâteau, sans conséquence juridique. Agnès la voleuse n’irait
certainement pas porter plainte, sachant que le compagnon de
Mlle Weaver, ainsi que ses parents, seraient prêts à jurer avoir
passé toute la soirée en compagnie de la jeune femme et de son
héritage, qu’elle portait autour du cou.
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