Loup d'aveugle

ŕ Et ces hommes ?
ŕ Mes gardes du corps. Quand on fait chanter les puissants,
la plus grosse difficulté, c’est de survivre assez longtemps pour
récupérer l’argent.
ŕ Ouais. J’imagine.
J’étais en train de recoller les morceaux et je n’aimais pas du
tout le dessin qu’ils formaient. Si elle s’était enfuie en me
voyant, ce n’était pas parce qu’elle m’avait reconnue, mais parce
qu’elle avait vu une mage guerrière saisir son arme. Elle n’était
pas rentrée chez elle parce que ce n’était pas un assassin de
sang-froid, juste un maître chanteur complètement paniqué. Ce
n’était pas elle que je traquais.
ŕ Vous voulez dire que tout ça n’était qu’un malentendu ? at-elle
demandé, toute tremblante. (Elle avait éclaté en sanglots.)
Je croyais qu’un de mes clients avait décidé de ne pas payer et
vous avait envoyée me tuer !
Complètement sonnée, j’ai regardé les cendres s’envoler et se
répandre sur l’asphalte, qui commençait à se teinter de mon
sang.
ŕ Je crois bien que c’est ce qui s’est passé.
Il était presque 5 heures du matin quand je suis rentrée au
quartier général. Les couloirs étaient on ne peut plus silencieux
et totalement déserts, à l’exception de quelques lève-tôt
déambulant entre les piles de cartons qu’on n’avait pas encore
défaits. Il y avait du monde à l’infirmerie mais j’ai passé mon
tour : j’avais pratiqué des soins d’urgence en chemin. J’avais
l’impression que mon épaule allait avoir besoin d’une opération
mais l’hémorragie s’était arrêtée. Tout autre traitement pouvait
attendre.
Comme le reste du complexe, les labos n’étaient pas
terminés : des fils électriques dressés dans le vide hérissaient les
murs et il y avait des dossiers et des feuilles étalés partout.
Lorsque j’ai ouvert la porte du bureau de Simons, un talisman
s’est enroulé autour de mes doigts, comme autant de fils de soie
délicats. J’ai fracturé la protection pour déclencher l’alarme.
Simons est sorti d’une pièce attenante à toute vitesse.
ŕ Oh. C’est vous, a-t-il dit. (Ses traits se sont détendus.)
Vous l’avez eue ?
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