Loup d'aveugle

ŕ Grosso modo, dit Luna. (Elle me tendit une broche.) La
caméra est là-dedans, l’émetteur-récepteur sera dans ton oreille.
Ne les perds pas. Notre budget est déjà assez plombé comme ça.
J’accrochai la caméra et Luna la tritura pour activer la
lentille et l’émetteur. Troy monta le son de sa radio.
ŕ Équipe technique, ici McAllister, vous me recevez ?
ŕ Cinq sur cinq, lieutenant.
ŕ Vous êtes mimi comme tout.
Troy se tourna vers moi et me considéra de haut en bas.
ŕ Beau boulot, Luna. Elle a l’air innocente comme l’agneau
qui vient de naître.
ŕ C’est parce qu’elle est innocente. Et si ce n’est plus le cas
après cette mission, je vous écharpe, Mac.
ŕ Hé, c’était l’idée de Nielsen, pas la mienne. Allez-vous
plaindre à elle.
ŕ Bon, je sors, leur dis-je. Je vous laisse à vos gamineries.
ŕ Sun, fit Luna en m’attrapant le poignet, sois prudente.
Je lui adressai un sourire que j’espérais rassurant. Un
sourire qui ne trahissait pas le fait que j’avais l’estomac noué
par le trac et le cœur à la limite de l’infarctus. Puis je tournai les
talons et traversai Old Nocturne Way en direction du numéro
89.
C’était un bâtiment carré en briques, avec une allée circulaire
encombrée de voitures rutilantes, comme si je me tenais devant
la demeure d’une célébrité. Un gorille m’ouvrit. Je ne peux le
qualifier autrement car on l’aurait dit tout droit sorti d’une
convention mafieuse. Crâne rasé, épaules assez larges pour
boucher un pipeline, petits yeux vicieux, et des mains qui se
tendirent vers moi pour m’empêcher de franchir le seuil.
ŕ Votre nom ? Il tenait un bloc-notes.
ŕ Euh… Sunny Swann. Rhoda.
ŕ Décidez-vous, poulette, c’est lequel ?
Bravo, Sunny, manquerait plus qu’il te prenne pour une
resquilleuse… La voix de Luna hurla dans mes oreilles, me
faisant bondir d’un mètre :
ŕ Reprends-toi, Sunny !
Le gorille pencha la tête.
ŕ Y a un problème ?
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