Loup d'aveugle

Cela dit, aucun sort d’invisibilité n’est infaillible : ils ne font
qu’obliger à détourner le regard ou fournir un camouflage. Et
aucune de ces deux illusions ne fonctionne à bout portant.
Comme pour prouver mes dires, une ombre en forme de poing
s’est mise à clignoter vaguement et j’ai reçu un violent coup à la
mâchoire. Ma tête est partie à la renverse. J’ai cherché mon
arme à tâtons mais j’avais rendu son Glock à Cyrus et mon
chargeur était vide. J’ai fermé le poing et réussi à frapper ce qui
devait être une tête. À moins que ça soit une épaule. Impossible
à dire. Même à cette distance, mon agresseur n’était qu’une
silhouette floue et indistincte, comme une colonne d’eau à
forme humaine réfléchissant le paysage. En guise de
représailles, j’ai eu droit à un autre crochet à la mâchoire,
assorti d’un direct dans le plexus solaire. Ma jambe flagada a
lâché et je suis tombée à quatre pattes. Pantelante, je m’efforçais
de ne pas vomir lorsque j’ai aperçu, très brièvement, la forme
d’une botte… qui m’a donné un méchant coup de pied dans les
côtes et m’a envoyée valser à l’intérieur de la maison. Incapable
de réagir à temps pour amortir le choc de mes mains, je me suis
étalée avec un bruit de craquement qui m’a complètement
tétanisée, avant de faire un roulé-boulé et de me retrouver sur le
dos. Malgré la douleur aveuglante et le sifflement de ma
respiration irrégulière, j’ai entendu des pas traînants approcher.
J’ai réussi, au prix d’un effort surhumain, à me mettre à genoux
tout en décochant au nouveau venu un coup de ma jambe
valide. Mais comme j’avais le vertige et que j’étais incapable de
viser, je ne l’ai pas touché. Soudain, un sort paralysant m’a
heurtée de plein fouet, réduisant mes fonctions motrices à
néant, et je suis retombée violemment sur le dos.
Allongée, toute tremblante de douleur et de panique, j’ai fait
de mon mieux pour respirer correctement. Je crois que ma
vision s’est voilée un instant mais ça n’a pas duré très
longtemps : j’ai vu distinctement un mage apparaître
brusquement devant moi. Il a braqué son pistolet sur ma tête et
j’ai croisé son regard.
ŕ Jason ? (Incrédule, j’ai regardé ces cheveux blonds, ces
yeux vert clair et ce nez épaté couvert de taches de rousseur qui
m’étaient si familiers.) Qu’est-ce que tu fabriques ?
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