Loup d'aveugle

ŕ Un téléphone. Sortez-le. Et faites bien attention. Si vous
faites un mouvement brusque, ou un mouvement qui ne me
plaît pas, vous êtes foutue. Idem si vous essayez de me lancer
une illusion.
Elle a hoché la tête avant d’ouvrir lentement la veste. Elle a
extrait mon portable avec précaution et me l’a tendu. Mais j’ai
secoué la tête.
ŕ Appuyez sur la touche d’appel rapide 1.
Comme elle tremblait, elle s’y est reprise à trois fois. Quand
elle a fini par y arriver, je commençais à avoir vaguement la tête
qui tournait : j’avais perdu pas mal de sang. Mais j’ai entendu la
voix de papa au téléphone.
ŕ C’est qui, bordel ?
ŕ Ta fille adorée.
ŕ Tu te rends compte de l’heure qu’il est ?
ŕ Ouais. Dis : tu sais à quoi ressemble Martina
Colafranceschi ? Il a marqué une pause d’une demi-seconde.
ŕ Oui. Pourquoi ?
ŕ Je t’expliquerai. Décris-la-moi.
Papa avait passé soixante ans de sa vie au service des mages
guerriers. Il était parfaitement capable d’être succinct en
situation de stress. Et il avait dû deviner, à ma voix tendue, qu’il
s’agissait d’une de ces situations.
ŕ C’est une petite brune plantureuse.
ŕ Petite ? ai-je répété en considérant la grande femme
mince se tenant devant moi.
ŕ Un mètre soixante, je dirais. C’était la maîtresse de
Ferretti pendant des années. Il a toujours aimé les femmes
petites et mortellement dangereuses.
J’ai bien remarqué son intonation, mais ses avertissements
étaient inutiles.
ŕ J’essaierai de m’en rappeler si je la rencontre un jour, ai-je
dit d’une voix neutre. Ciao, papa.
J’ai fait signe à la femme de raccrocher.
ŕ Qui êtes-vous ? ai-je demandé.
ŕ O-Ophelia Roberts.
ŕ Et vous faites chanter les gens.
ŕ Oui.
154