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4 - La rhétorique<br />
• Définition : c’est une liste de procédés codifiés permettant, si on les applique<br />
correctement, d’obtenir tel ou tel effet en prenant la parole au Tribunal ou à<br />
l’Assemblée. On pouvait accepter de payer cher quelqu’un qui, pratiquement l’art de<br />
la parole, pouvait l’enseigner ou l’exposer dans des manuels. Pour avoir du succès à<br />
l’Assemblée et pour se défendre au Tribunal, il fallait savoir manier la rhétorique que<br />
Platon définit dans <strong>Phèdre</strong> comme « ouvrière de persuasion » 260.<br />
• Critique platonicienne de la rhétorique : elle n’a qu’un but, persuader la foule à<br />
l’Assemblée et au Tribunal. Elle s’en tient au vraisemblable plutôt qu’au vrai (259-<br />
260 ; 273). Cela dit, la connaissance du vraisemblable implique celle du vrai (259-<br />
262). En fait la connaissance du vrai est affaire de méthode, non de hasard (262-<br />
266), c’est-à-dire de philosophie et non d’un art quelconque du bien parler.<br />
C/ Socrate et <strong>Phèdre</strong> : deux amoureux des discours<br />
Socrate et <strong>Phèdre</strong> ont au moins un point en commun : ils aiment les discours, les<br />
prononcer, les écouter, leur répondre. Mais leur amour est d’une nature différente.<br />
Chacun incarne une pratique et une théorie du discours bien singulières.<br />
<strong>Phèdre</strong> se cherche un maître, qu’il pense avoir trouvé en Lysias. Il est séduite<br />
par la virtuosité de ce dernier, et l’a convaincu de lui céder son texte écrit afin de<br />
l’apprendre par cœur. <strong>Phèdre</strong> est dans la répétition. Il se soumet à un exercice de<br />
mémoire qui consiste à apprendre par cœur en aliénant son esprit. Ces exercices<br />
rhétoriques constituent une sorte de drogue qui « affaiblissent » le malade. Socrate va<br />
d’ailleurs se moquer de ces remèdes qui n’en sont pas : « Marcher jusqu’à Mégare et,<br />
selon la méthode d’Hérodicus, aller de là jusqu’aux Murs pour ensuite revenir <strong>sur</strong> tes<br />
pas » (60 km) (227d). <strong>Phèdre</strong> est comme drogué de discours.<br />
Lysias est un orateur démocrate et un logographe. Il rédige des discours qui<br />
sont prononcés par d’autres, accusés ou plaideurs, devant le tribunal. C’est un<br />
orateur dissimulé qui prend la parole sous le masque d’un comparse, et qui sait<br />
adopter son style à la personnalité de son client. Il rédige des plaidoiries subtiles et<br />
habiles. Il incarne une rhétorique de la dissimulation. On peut donc se demander qui<br />
se cache derrière le discours de Lysias lu par <strong>Phèdre</strong> ? <strong>Phèdre</strong> le lit, mais sous sa<br />
voix perce celle de Lysias. Et qui se cache sous la voix de Lysias ? Lysias parle par<br />
l’entremise de <strong>Phèdre</strong>, <strong>Phèdre</strong> parle avec les mots de Lysias. L’un et l’autre sont<br />
asservis au désir de plaire et de susciter l’admiration.<br />
Son discours est lui-même un discours confus, qui cache sa source, son origine, qui<br />
joue de la dissimulation et de la reprise. Le discours est déposé dans le secret de<br />
l’écriture : il n’a pas de père, il est donc orphelin. Le rouleau <strong>sur</strong> lequel il est écrit est<br />
caché sous le manteau de <strong>Phèdre</strong>, dont la voix cache celle de son maître. On s’est<br />
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