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« jeu » qui vaut largement les banquets et les boissons ; elle peut servir au médecin et<br />
au législateur et suppléer à leur absence sous forme d’ordonnances et de lois (Le<br />
Politique).<br />
Conclusion : comment interpréter les mythes ? Que faire des mythes quand on<br />
est philosophe ?<br />
• Mythe et écriture sont des remèdes (pharmakon) pour apaiser le désir de<br />
savoir de l’être humain, car ce dernier ne parviendra jamais au terme de son parcours.<br />
Il ne se trouvera jamais en présence de la vérité elle-même, condamné à toujours<br />
chercher sans trouver le repos.<br />
• Une interprétation philosophique du mythe est cependant fondée. Le<br />
mythe est aussi l’enveloppe fantastique et monstrueuse d’une vérité secrète de l’âme.<br />
Il lui propose une image étrange d’elle-même qu’il faut tenter de déchiffrer. En<br />
interprétant philosophiquement le mythe, l’âme s’autoanalyse et se purifie. Ainsi, lire<br />
philosophiquement la légende d’Orithye, c’est comprendre que Borée n’est pas tant<br />
un monstre hostile aux hommes qu’une violence inhumaine qui ne dédaigne pourtant<br />
pas de se mettre au service de la civilisation. C’est se refuser de céder à la peur et à<br />
l’angoisse, à l’anecdote et au contingent. Le philosophe voit au contraire dans ce<br />
rapt un drame spirituel, l’histoire d’un ravissement exemplaire. Orithye est ravie par<br />
Borée comme le poète est traversé par le champ magnétique de l’incantation. Le<br />
souffle du dieu est l’esprit qui souffle le verbe poétique.<br />
• La connaissance procurée par le mythe est bien ambivalente : elle peut<br />
enseigner, lorsqu’elle est le fait des sophistes et des physicalistes, une leçon de mort,<br />
et colporter la peur, l’inquiétude et les ténèbres. Elle peut également fonctionner<br />
comme un miroir qui reflète indirectement le parcours d’un drame spirituel élevant<br />
l’âme à la connaissance de la vie intérieure. Le mythe peut faire écran au travail de<br />
la conscience et d’élucidation, comme il peut tendre un miroir à l’âme en lui<br />
permettant de revenir <strong>sur</strong> elle-même selon le principe delphique. Dans le premier cas<br />
il reste une idole enfantée par un esprit fasciné. Dans le second, il devient une icône,<br />
le miroir de la pensée.<br />
Le mythe doit donc être subordonné à la dialectique. C’est un jeu me<strong>sur</strong>é qui tient<br />
une place dans la composition rhétorique.<br />
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