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Cours sur Phèdre

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sans réfléchir ni consulter <strong>sur</strong> le parti à prendre, te voilà prêt à donner ton argent et<br />

celui de tes amis, en homme qui sait pertinemment qu’il faut se confier sans réserves<br />

à Protagoras que tu ne connais pas, tu l’avoues, à qui tu n’as jamais adressé la parole,<br />

que tu appelles sophiste alors que manifestement tu ne sais pas ce que peut bien être<br />

ce sophiste, à qui tu es <strong>sur</strong> le point de te confier. — H : Cela paraît bien ressortir de ce<br />

que tu dis, Socrate. — S : Est-ce que par hasard, Hippocrate, le sophiste ne serait pas<br />

un négociant ou un commerçant en denrées dont l’âme se nourrit ? Du moins, pour<br />

ma part, c’est ainsi qu’il m’apparaît. — H : Mais quelle est donc cette nourriture de<br />

l’âme ? — S : C’est certainement les connaissances. Et il est à craindre que le<br />

sophiste ne nous trompe en nous vantant sa marchandise, tout comme le négociant ou<br />

le commerçant avec la nourriture du corps. Ceux-ci ignorent ce qui dans les denrées<br />

qu’ils vendent est bon ou mauvais pour le corps, ils vantent tout ce qu’ils vendent et<br />

les acheteurs n’en savent pas davantage, à moins d’être gymnastes ou médecins. De<br />

même ces gens qui colportent les connaissances de ville en ville, en gros ou en détail,<br />

à qui en désire : ils vantent tout ce qu’ils vendent, alors qu’il s’en trouve peut-être qui<br />

ignorent ce qui est bon et ce qui est mauvais pour l’âme, et les acheteurs ne le savent<br />

pas davantage, à moins de se trouver experts en médecine de l’âme. Donc s’il se<br />

trouve que, toi, tu sais ce qui s’y trouve de bon et de mauvais, tu peux sans danger<br />

acheter des connaissances chez Protagoras ou chez tout autre ; sinon, prends garde à<br />

ne pas risquer <strong>sur</strong> un coup de dés le sort de ton bien le plus précieux. Car le risque est<br />

même beaucoup plus grand quand on achète des sciences que quand on achète des<br />

aliments. Aliments et boissons achetés au négociant ou au commerçant peuvent être<br />

emportés dans des récipients, que l’on peut déposer chez soi avant que le corps les<br />

absorbe en mangeant et en buvant, et il est loisible de convoquer quelqu’un qui sait<br />

ce qui est mangeable ou buvable et ce qui ne l’est pas, en quelle quantité et à quel<br />

moment, de sorte que l’achat ne comporte pas grand risque. Or les connaissances, on<br />

ne peut les emporter dans un récipient à part ; mais sitôt payé, le savoir est accueilli et<br />

mis dans l’âme, et quand on s’en va, le bien ou le mal est fait.<br />

Protagoras, 312c-314b<br />

B/ La rhétorique<br />

• Définition : c’est une liste de procédés codifiés permettant, si on les applique<br />

correctement, d’obtenir tel ou tel effet en prenant la parole au Tribunal ou à<br />

l’Assemblée. On pouvait accepter de payer cher quelqu’un qui, pratiquement l’art de<br />

la parole, pouvait l’enseigner ou l’exposer dans des manuels. Pour avoir du succès à<br />

l’Assemblée et pour se défendre au Tribunal, il fallait savoir manier la rhétorique que<br />

Platon définit dans <strong>Phèdre</strong> comme « ouvrière de persuasion » 260.<br />

• Critique platonicienne de la rhétorique : elle n’a qu’un but, persuader la foule à<br />

l’Assemblée et au Tribunal. Elle s’en tient au vraisemblable plutôt qu’au vrai (259-<br />

260 ; 273). Cela dit, la connaissance du vraisemblable implique celle du vrai (259-<br />

262). En fait la connaissance du vrai est affaire de méthode, non de hasard (262-<br />

266), c’est-à-dire de philosophie et non d’un art quelconque du bien parler.<br />

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