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Cours sur Phèdre

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platoniciens traduit le passage d’une civilisation orale à une civilisation écrite. Le<br />

mythe est une parole à la laquelle le destinataire s’identifie par fusion émotive. Il<br />

charme, inquiète, fait peur. Il est une fiction qui envoûte mais qui n’explique et ne<br />

résout rien. En tant que tel il est le propre des civilisations orales. Avec l’introduction<br />

de l’écrit, le mythe et la mémoire vont changer de nature et de mode de<br />

fonctionnement. La mémoire partagée par tous les membres de la collectivité dans la<br />

civilisation orale devient, au Vè siècle avant JC, une mémoire qui est l’apanage de<br />

ceux qui, sachant lire et écrire, vont pouvoir avoir accès à des stocks de savoirs et de<br />

souvenirs désormais matérialisés <strong>sur</strong> le papier ou la pierre. La mémoire qui se<br />

transmettait oralement transformait et recyclait sans cesse son contenu.<br />

Désormais, cette mémoire-là est concurrencée par une mémoire qui emmagasine,<br />

compile, réunit, et reproduit fidèlement tel ou tel passage, telle ou telle connaissance.<br />

Le passé et le mythe, qui étaient l’objet d’une recréation indéfinie, deviennent des<br />

données fixes. Or à l’époque de Platon, la civilisation grecque tend à apporter à<br />

l’écrit une place de plus en plus centrale. La parole mythique va donc être<br />

désormais écrite, et l’on peut la prendre comme objet de réflexion en tant que telle.<br />

On peut l’interpréter différemment, l’écouter et l’entendre, désormais, avec sa raison<br />

et son esprit critique. Ce sera l’attitude de Socrate dans le <strong>Phèdre</strong> : il a recours aux<br />

mythes, il en invente même, mais les soumet à une perspective objectivante.<br />

. Le mythe fonctionne donc de façon analogique car le mythe est engage qu'il mais<br />

d'exprimer de façon imagée le monde intelligible, le monde des idées. Le monde des<br />

idées est une réalité non matérielle, le mythe est une parole oblique, un détour pour<br />

accéder à la vérité intelligible qui ne relève pas du sensible. L'âme incarnée dans le<br />

corps n'a dans ce monde d'autre possibilité que le mythe, c'est-à-dire la parole, pour<br />

dire ce qui est, pour parler du vrai. C'est pourquoi Socrate fait le détour du mythe<br />

pour parler de l'amour, c'est l'image de l'attelage ailé. Le mythe n'est pas un discours<br />

rationnel. Il a son origine dans les temps reculés d'une humanité antérieure, plus<br />

proche des dieux, c'est pourquoi le récit se situe toujours dans un espace et un temps<br />

indéterminé, qui remonte aux origines. Le monde des mythes permet aux hommes de<br />

côtoyer les dieux, le mythe évoque un temps antérieur à cette fracture de l'âme avec<br />

le monde des idées. Le mythe est l'image sensible qui fait signe vers l'intelligible que<br />

l'homme ne peut pas dire autrement puisqu'il a perdu tout accès immédiat au monde<br />

des idées.<br />

Le mythe est fabriqué par une humanité poète. Le philosophe, lui, doit construire des<br />

discours argumentatifs qui sont conduits par le logos : la raison dans la parole, la<br />

parole de la raison. Platon s’intéresse donc aux mythes pour en briser le monopole.<br />

Il s’agit de mettre en avant le statut d’une autre parole, celle du discours<br />

philosophique.<br />

• 2 mythes platoniciens originaux : la fable des cigales et celle de Teuth.<br />

Paradoxe car les premiers mots de Socrate, à l’ouverture de l’entretien, ont été pour<br />

envoyer promener les mythologèmes. 229c.-230b. Non pour les récuser entièrement,<br />

mais pour leur donner du champ, s’en dépouiller soi-même dans le rapport à soi et le<br />

savoir de soi. Cette résolution sera pourtant interrompue deux fois pour accueillir<br />

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