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3/ Platon, un écrivain amoureux de la parole socratique<br />
• A l’Académie, Platon enseignait et écrivait à une époque où, dans l’Athènes du Vè<br />
siècle av JC, l’écriture est en train de s’imposer définitivement.<br />
Cependant l’écrivain Platon reste dépendant d’une oralité antérieure à une<br />
écriture dont l’évaluation est ambigüe. L’écriture permet une conservation<br />
immuable et perpétuelle de l’information sans que n’intervienne de mémoire<br />
individuelle. D’où l’avantage d’utiliser ce moyen de transmission qui impose<br />
cependant des contraintes : 1/ la compression (impossible de tout noter d’un<br />
discours : nécessité de faire des choix et de résumer)<br />
2/ l’invariance (une fois qu’un message est écrit on ne peut plus le modifier sans le<br />
transformer)<br />
3/ l’inertie (l’écrit ne peut s’adapter à ses destinataires, et ne peut répondre aux<br />
questions qu’il suscite)<br />
4/ la linéarité (dans le discours un élément d’un message vient après un autre, ce qui<br />
ne permet pas de préserver la structure et les dimensions de la parole vive)<br />
• Notons que le couple parole/écriture se rejoue dans ce dialogue au travers des<br />
oppositions vie/mort, père/fils, maître/serviteur, premier/second, fils légitime/orphelin<br />
bâtard, âme/corps, dedans/dehors, bien/mal, sérieux/jeu, jour/nuit, soleil/lune, etc…<br />
• Une condamnation me<strong>sur</strong>ée de l’écriture : Socrate rappelle l’infériorité de<br />
l’écriture — puissance occulte et suspecte, pharmakon qui aggrave le mal au lieu de<br />
le guérir — par rapport à la parole (l’écriture n’est que trace sensible alors que la<br />
recherche orale du savoir par l’âme est une réalité intermédiaire entre le sensible et<br />
l’intelligible). Platon est même prêt à qualifier de philosophe l’écrivain qui reconnaît<br />
que, comparée à ce qu’il prend au sérieux — la contemplation de l’intelligible—,<br />
l’écriture n’est qu’un jeu. Cette critique n’exprime pas une volonté de retourner en<br />
arrière (abandonner l’écriture pour revenir à l’oralité), mais propose un constat<br />
lucide qui pointe les limites d’un moyen de communication désormais inéluctable.<br />
L’écriture apparaît comme un moyen de communication artificiel qui répète sans<br />
savoir, un remède offensif plutôt qu’inoffensif. La parole continue de fonctionner,<br />
envers et contre tout, comme le lieu de la réalisation de la méthode dialectique.<br />
• A quelles conditions faire de l’écriture une lettre vive ?<br />
Platon expose l’écriture comme un assemblage étrange de signes, une graine stérile,<br />
un mémento mortel, une image sans vie, une forme de dévoiement qui constitue un<br />
double inerte de la parole vive. Et pourtant, cet instrument, ce véhicule par lequel les<br />
sophistes, les logographes et les hommes politiques écrivent ce qu’ils ne disent pas, et<br />
ne disent rien en vérité, ne peut-il mettre en œuvre un autre genre de discours, qui lui<br />
aussi s’écrit, mais « s’écrit avec la science dans l’âme de celui qui étudie », dans une<br />
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