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d’Athènes où les lois sont écrites <strong>sur</strong> des tablettes mobiles, plantées comme des<br />
peintures stupides ou des discours sans père, semblables, dit le Politique, à des<br />
ordonnances qu’un médecin ayant quitté la cité aurait laissé pour toute maladie à<br />
venir sans même avoir observé le malade et proposé un diagnostic approprié ! C’est<br />
aussi celui de l’orchestre du théâtre où n’importe qui peut, pour une drachme, acheter<br />
les livres d’Anaxagore, le maître de Périclès, le penseur qui a dit que l’Esprit<br />
ordonnait toutes choses à partir de parties égales de matière. C’est enfin l’Assemblée<br />
d’Athènes où s’exerce le pouvoir d’un mot muet et bavard qui engendre tout et<br />
n’importe quoi, des discussions et des bavardages stériles et vains : le mot demos. La<br />
démocratie est donc associée au régime de l’écriture : régime où l’errance et la vanité<br />
de la lettre devient injustement la loi. Seule la république est capable de faire<br />
rayonner le logos.<br />
- Derrière l’écriture, le procès intenté contre la poésie et l’imitation en<br />
général :<br />
Platon reproche d’abord aux fables tragiques de mettre en scène des personnages dont<br />
l’hubris peut avilir les spectateurs. Leur âme risque en effet d’être troublée et<br />
déréglée par le spectacle du mal et de la déme<strong>sur</strong>e. En plus de proposer des contremodèles<br />
éthiques, le poète tragique ment également <strong>sur</strong> lui-même. Il se cache derrière<br />
ses personnages, et abdique toute responsabilité, en dissimulant sa voix derrière des<br />
héros et des dieux bien trop bavards. Les poètes mentent, dissimulent, et risquent<br />
d’instituer le poison de la déme<strong>sur</strong>e dans l’âme des spectateurs.<br />
Cependant la poésie et l’imitation sont des symptômes d’une cité mal ordonnée qui<br />
peut toujours s’améliorer et se reconstituer, notamment en excluant les poètes de la<br />
cité en question, alors que l’écriture constitue une perversion plus inquiétante. Elle<br />
est inséparable du régime démocratique qui, lui, favorise l’écriture, et la promeut<br />
comme le lieu de l’inscription d’une loi qui s’adresse à tous et dont l’auteur,<br />
anonyme, est inatteignable.<br />
Bilan : pourquoi cette condamnation de l’écriture ?<br />
-Aspect social et politique : l’écriture s’est répandue à Athènes avec les progrès de<br />
l’esprit démocratique. Une des exigences des classes inférieures au VIè siècle était la<br />
publication de codes écrits. En revanche l’enseignement oral offre un aspect<br />
aristocratique, et même religieux.<br />
-Raisons philosophique :<br />
a/ possibilité de contresens et pas de « père » pour défendre le discours. L’écrit ne<br />
peut que « garder dignement le silence ».<br />
b/ problème général de la mimesis : l’écrit ne donne qu’une image imparfaite de la<br />
réalité.<br />
c/ contradiction avec l’esprit socratique : Socrate est un philosophe de l’oralité.<br />
Platon laissera cependant à l’écriture des fonctions pratiques : elle peut permettre la<br />
remémoration lorsque le philosophe atteint « l’oublieuse vieillesse » ; elle est un<br />
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