03.07.2013 Views

Cours sur Phèdre

Cours sur Phèdre

Cours sur Phèdre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

échange, Achéloos lui remet une corne de la chèvre Amalthée qui deviendra par la<br />

suite la « corne d'abondance ».<br />

Ce décor est donc signifiant : il s’accorde au thème du délire amoureux. Il est<br />

propice à l’évocation du beau.<br />

La nature a ici un statut de personnage ; lumineuse et claire, elle constitue un site<br />

propice à la réflexion philosophique <strong>sur</strong> la nature de l’amour et <strong>sur</strong> l’ambivalence de<br />

la parole. Cet espace sacré est celui des dieux. En quittant la ville, S et P quittent<br />

l’espace profane du discours rationnel pour gagner l’espace sacré du discours<br />

enthousiaste. Les personnages ont quitté la route, et leur pensée quittera elle aussi les<br />

sentiers battus. Ils suivent le chemin naturel du cours d’eau, comme pour mieux<br />

laisser dériver leur esprit au fil de l’eau. Ils remontent à la source, et là encore, on<br />

peut filer la métaphore : source de l’Ilissos comme la source du discours.<br />

Borée, vent du nord, souffle dans les parages. Il enleva la nymphe Orithye, la fille du<br />

roi d’Athènes, qui jouait <strong>sur</strong> les rives du fleuve avec son amie Pharmacée. C’est parce<br />

que ce sol est sacré que S et P se déchaussent. L’heure elle aussi est sacrée : à midi,<br />

Apollon est au zénith (242a). En passant le gué vers l’autel de Borée, les<br />

personnages traversent une nouvelle frontière : au-delà des Murs de la cité, au-delà de<br />

la rivière.<br />

Enfin, les végétaux participent de cette sacralisation du décor : le platane est divin<br />

(il jure par le dieu platane en 236e), le gattilier symbolisant la chasteté de l’épouse.<br />

En remontant le cours du fleuve, les personnages retrouvent une parole ancienne<br />

et oubliée que la dialectique a progressivement refoulée. Ce voyage dans l’espace<br />

se double donc d’un voyage dans le temps.<br />

Dans le prologue puis la première partie, ce dialogue met le discours<br />

philosophique comme en dehors de lui-même : la parole prophétique revient au<br />

premier plan, et constitue un délire inspiré par la nature. En remontant à la source<br />

du langage, S et P retrouvent l’enthousiasme des paroles anciennes. Ce n’est que dans<br />

un deuxième temps que S retrouve la parole philosophique, celle qui se déprend de<br />

la nature, de la révélation, de l’inconscience, de la possession et de l’aliénation.<br />

3 - Analyse du passage 244a – 245c : éloge de la folie<br />

Éloge de la folie 244a-245c<br />

Lysias condamnait celui qui aime parce qu'il voyait dans l'amour une sorte de<br />

maladie de l'âme, une folie. Il faisait au contraire l'éloge de l'homme raisonnable qui<br />

ne se laisse pas emporter par les délires de la passion amoureuse. Pour qui verrait<br />

dans la sagesse de Socrate l'effet de la froide raison, sa réponse peut paraître<br />

<strong>sur</strong>prenante : la prise de parole de Socrate commence en effet par un éloge de la folie.<br />

Loin d'être toujours un mal la folie est le plus souvent « un don divin » qui nous<br />

apporte les plus grands bienfaits. Cette folie qui s'empare de l'homme sous l'emprise<br />

des dieux est en tous points supérieure au simple bon sens qui n'a jamais rien produit<br />

31

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!