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Cours sur Phèdre

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• Deux définitions successives du mythe dans la langue grecque.<br />

Platon a donné au grec ancien muthos la signification que revêt pour nous<br />

aujourd’hui le terme mythe. Dans la langue grecque, le sens de muthos s’est modifié<br />

en fonction des transformations qui ont affecté le vocabulaire du dire et de la parole,<br />

au cours d’une évolution historique dont Platon marque le terme.<br />

Avant Platon, muthos signifie tout simplement parole, avis qui s’exprime.Après,<br />

il se spécifie et désigne ce type de récit infalsifiable qui porte <strong>sur</strong> les dieux, les<br />

démons, les héros, les habitants de l’Hadès et les hommes du passé.<br />

• Emploi du mot muthos dans la langue platonicienne :<br />

Platon décrit le mythe, il en écrit aussi, et, <strong>sur</strong>tout, il les critique. Par ce vocable, tel<br />

un ethnologue, il décrit un certain type de discours ; il émet aussi un jugement de<br />

valeur <strong>sur</strong> son statut par rapport au discours philosophique.<br />

Le mythe traditionnel est un discours par lequel tout ce qu’une collectivité conserve<br />

de son passé et de ses valeurs est transmis oralement de génération en génération. Le<br />

mythe parle d’événements qui se sont déroulés dans un passé assez lointain et en lieu<br />

assez éloigné ou indéterminé pour que l’orateur et les auditeurs ne puissent vérifier ce<br />

qu’il en est dans la réalité. Ces événements sont transmis oralement, ce qui explique<br />

que la dernière version de ce récit puisse être considérée comme la seule, et donc la<br />

version originale. Le mythe peut donc ne pas satisfaire ses destinataires. Ils y<br />

découvrent des invraisemblances, des anachronismes, des impossibilités qui<br />

disqualifient son sérieux. Cependant ce dernier a un pouvoir de persuasion<br />

indiscutable, c’est un discours qui s’adresse à tous, même aux plus jeunes. Or<br />

l’écriture va progressivement tuer le mythe.<br />

Platon conteste le monopole du mythe, et lui adresse deux reproches<br />

épistémologiques : 1/ c’est un discours falsifiable dans la me<strong>sur</strong>e où il est impossible<br />

d’établir un rapport même indirect avec les faits qu’il relate 2/ ce récit ne fait jamais<br />

intervenir d’argumentation. Ces deux faiblesses justifient que l’on accorde<br />

désormais au discours philosophique et scientifique la première place. Cependant le<br />

discours philosophique comporte lui aussi des défauts : il ne peut prendre pour<br />

objet tout ce domaine intermédiaire qu’est l’âme, qui n’est ni sensible ni<br />

intelligible. Tout ce qui touche à la nature de l’âme, à ses pérégrinations et sa<br />

destinée, revient donc au mythe. De plus, le discours philosophique ne s’adresse<br />

qu’à une élite intellectuelle, alors même que Platon veut améliorer l’ensemble de la<br />

cité et des citoyens. C’est la raison pour laquelle cet instrument de persuasion<br />

collective qu’est le mythe joue un rôle si important dans <strong>Phèdre</strong>. Non seulement<br />

Platon fait appel au mythe, mais il en invente. En tant que philosophe, il ne peut<br />

parler de l’âme que par le recours au mythe. En tant que réformateur politique et<br />

observateur de la montée de l’écrit dans ce monde jusque-là dévoué à la parole, il doit<br />

persuader le grand nombre qui est réceptif au récit mythique des défauts et des limites<br />

de l’écrit, par rapport à la vivacité inentamable de la parole orale.<br />

• Platon décrit le crépuscule des mythes : l’ambiguïté de son statut dans les textes<br />

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