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Cours sur Phèdre

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ce que recherche Verlaine, comme tout poète qui assigne à sa poésie la mission de<br />

renouer avec une parole originaire, dépositaire de la vérité des choses.<br />

2) Dans cette optique, écrire de la poésie est pour le moins un paradoxe<br />

Il y a donc aussi un paradoxe, et même plusieurs, chez Verlaine : l’horizon de la<br />

parole poétique étant la musicalité, le chant (la « romance »), quel sens y a-t-il à<br />

écrire cette parole ? Le texte imprimé est muet ! Ce paradoxe en recoupe un autre : la<br />

poésie devrait retrouver l’authenticité d’une parole naïve (« romance » : chant<br />

populaire, aux thèmes naïfs), et elle s’appuie pour cela <strong>sur</strong> des moyens techniques<br />

savants (ce recueil témoigne aussi de la recherche prosodique, du travail <strong>sur</strong> le code<br />

poétique que mène Verlaine). Enfin, le titre du recueil définit une réalité<br />

impossible pour la poésie écrite. En effet, une « romance sans paroles » serait au sens<br />

strict un air fredonné ou un simple air musical : ce qui est possible à l’oral n’est plus<br />

possible à l’écrit : comment fredonner à l’écrit ? Comment faire des mots une simple<br />

musique ? La parole écrite ne peut se distinguer du texte qui la manifeste, à moins de<br />

tomber dans le lettrisme ou la poésie phonique.<br />

Hugo Ball, écrivain et poète dadaïste<br />

Quand bien même on considérerait les mots pour leurs simples sonorités,<br />

indépendamment de leur signification, quel sens y aurait-il à concevoir la poésie<br />

ainsi, puisqu’elle serait nécessairement inférieure à la musique ? Si la poésie<br />

verlainienne réalisait l’idéal musical vers lequel elle tend, elle se renierait et se<br />

dissoudrait en tant que poésie, et notamment en tant que texte écrit.<br />

Or, l’écriture, pour être un code figé, est aussi un domaine où l’expressivité peut être<br />

recherchée : on peut jouer de l’expressivité graphique. C’est un terrain <strong>sur</strong> lequel<br />

Verlaine ne s’avance guère, si ce n’est par exemple dans « Walcourt » et<br />

« Charleroi », où on peut considérer que les quatrains de tétrasyllabes sont comme<br />

des vignettes picturales ; ils ont la brièveté, la concision d’un éclat de vision. C’est<br />

<strong>sur</strong> ce terrain qu’ira Apollinaire, avec ses calligrammes, où le texte prend la forme du<br />

dessin qu’il appelle :<br />

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