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La séparation

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Tout ce petit monde me fit un accueil cordial, pendant qu’on<br />

m’offrait une tasse de thé pour m’aider à patienter.<br />

Vers huit heures et demie, le bruit enfla dans le corridor. Un<br />

flot de gens pressés passa devant la pièce. Quelques instants<br />

plus tard, sans la moindre cérémonie, la silhouette trapue de<br />

Winston Churchill apparut sur le seuil.<br />

« Bonjour, messieurs, lança-t-il en vérifiant d’un coup d’œil<br />

circulaire que tout le monde était là. Finissons-en au plus vite :<br />

on me demande ailleurs cet après-midi, et je quitte Londres ce<br />

soir. »<br />

Sur ce, il pivota d’un mouvement fluide et s’éloigna. Nous le<br />

suivîmes sans nous bousculer. Comme il ne s’était écoulé que<br />

quelques heures depuis mon passage à Chequers, j’avais pensé<br />

avant son arrivée que le Premier ministre me saluerait<br />

personnellement, voire qu’il mentionnerait la nuit très courte<br />

dont nous avions forcément dû nous contenter, mais c’était tout<br />

juste s’il m’avait jeté un coup d’œil. Pour un homme de son âge<br />

qui avait travaillé après minuit et qui ne pouvait avoir dormi<br />

plus de deux ou trois heures, puisqu’il se trouvait à Londres<br />

aussi tôt, il paraissait remarquablement dispos. Je ne l’avais vu<br />

auparavant qu’à la faible clarté de ses lampes de bureau ; à la<br />

lumière éclatante du matin, son visage familier de chérubin<br />

trahissait vigueur et sérénité.<br />

À l’extérieur, attendait une file de trois voitures. Il se tenait<br />

près de la première, arborant le manteau et le chapeau noir bien<br />

connus, un gros double corona à la main, pas encore allumé.<br />

Comme tout le monde, il emportait un masque à gaz dans son<br />

étui Ŕ négligemment jeté sur l’épaule. Pendant que<br />

fonctionnaires et militaires se répartissaient entre les trois<br />

véhicules, il me fit signe.<br />

« C’est votre première tournée en ma compagnie, il me<br />

semble, colonel ? Venez donc dans la voiture de tête,<br />

aujourd’hui. Vous y gagnerez une meilleure vision des choses. »<br />

Je le suivis donc sur la banquette arrière où il s’installait. Un<br />

des fonctionnaires nous rejoignit, nous obligeant à nous serrer.<br />

Je coinçai ma canne entre mes genoux, exactement à la manière<br />

de M. Churchill, je le remarquai soudain.<br />

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