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La séparation

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ien précise : j’ignorais totalement ce qui déclenchait mes<br />

hallucinations lucides, mais elles se produisaient souvent quand<br />

mon attention se relâchait ou que la somnolence s’emparait de<br />

moi. L’instinct me soufflait que boire risquait de favoriser les<br />

crises. M’en abstenir avait été assez facile, jusque-là. À<br />

l’occasion Ŕ comme à Stockholm, par exemple, lorsqu’on avait<br />

porté plusieurs toasts à la paix Ŕ j’avais trouvé sans me faire<br />

remarquer une alternative au vin et aux eaux-de-vie.<br />

Mais cette première nuit de paix représentait vraiment<br />

quelque chose de spécial : le Jour de la Paix européenne. C’était<br />

l’occasion ou jamais de se lâcher.<br />

Après le départ du colonel Piggott, j’hésitai entre téléphoner<br />

à mes parents (lesquels ignoraient totalement où j’étais allé et ce<br />

que j’avais fait cette dernière semaine) et renoncer à ma soirée<br />

de sortie pour chercher à organiser une visite à JL, à l’autre bout<br />

de l’Angleterre. Comme il y avait un téléphone public dans le<br />

hall de l’hôtel, je composai le numéro de mes parents. Personne<br />

ne répondit. Sans doute se trouvaient-ils au chevet de mon<br />

frère, à l’hôpital. Je traînais dans le vestibule, près de la<br />

réception, me demandant que faire, quand Mike Brennan Ŕ le<br />

conseiller quaker de Pittsburgh Ŕ me repéra. Cela mit fin aux<br />

hésitations et aux atermoiements.<br />

Mike, cinq autres membres de l’équipe de Stockholm et moimême<br />

partîmes pour une longue soirée de réjouissances.<br />

Première étape : le pub le plus proche. Ensuite, direction<br />

centre-ville, dans le sillage d’une foule énorme. <strong>La</strong> population<br />

tout entière semblait entamer une nuit de fête telle qu’elle n’en<br />

avait pas connu depuis des mois, voire des années. À minuit,<br />

nous nous trouvions dans East Street, devant la forme sombre<br />

imposante de la galerie d’art, compressés parmi une multitude<br />

hurlante, dansante, suante, ondoyante. Quelque part, l’horloge<br />

d’un clocher sonna. Sous les acclamations et les cris, la lumière<br />

jaillit de tous les immeubles et les projecteurs de la défense<br />

s’allumèrent pour la dernière fois, quadrillant le ciel au-dessus<br />

de nos têtes, pendant qu’explosait une canonnade d’obus<br />

antiaériens.<br />

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