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La séparation

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Je levai le bras pour me palper avec douceur le sommet du<br />

crâne, mais nulle zone douloureuse ne trahissait la présence<br />

d’une blessure.<br />

« Tu as pris un sale coup, oui, mais on ne sait pas trop ce qui<br />

t’est arrivé, m’expliqua le jeune homme. Sans doute étais-tu un<br />

peu trop près d’une bombe au moment de l’explosion. Le souffle<br />

peut assommer n’importe qui sans causer de dommages<br />

physiques visibles. Le médecin nous a dit de t’emmener à<br />

l’hôpital.<br />

ŕ Le médecin vous a dit… ? Mais je ne suis pas malade ? Ça<br />

s’est produit quand ?<br />

ŕ Il y a environ une semaine, à Bermondsey. On était<br />

nombreux dans le coin, cette nuit-là. Un raid important, un des<br />

pires. À la fin, en retournant au rapport à Wandsworth, on s’est<br />

aperçus que tu manquais à l’appel. On t’a immédiatement porté<br />

disparu, seulement la police a mis plusieurs jours à te retrouver.<br />

Tu n’avais pas du tout l’air d’avoir été blessé, mais le docteur qui<br />

t’a pris en charge nous a dit qu’il avait déjà vu des cas de ce<br />

genre. Le souffle peut causer des dommages internes invisibles.<br />

Il te faut un examen complet. Malheureusement, les hôpitaux<br />

de Londres sont déjà bondés, alors on s’est dit qu’il valait mieux<br />

te ramener chez toi. Comme ça, tu verras ton médecin traitant,<br />

et tu iras à ton hôpital local. Ça ne se passe pas encore trop mal,<br />

à Manchester. »<br />

Une fois dissipé le choc du retour à la conscience, j’entrepris<br />

de m’orienter, titillant expérimentalement ma mémoire. Elle ne<br />

me parut pas trop affectée : je me rappelais mes semaines<br />

londoniennes, les interminables heures d’anxiété au volant de<br />

l’ambulance, les dizaines de blessés. Je me rappelais aussi les<br />

incendies dans les rues étroites, bordées d’immeubles en ruine<br />

aux fenêtres béantes, les tas de gravats, les cratères inondés, les<br />

lances d’incendie serpentines. Je me rappelais Ken Wilson. Ken<br />

et moi nous étions toujours bien entendus. Pendant que nous<br />

poursuivions notre route, il m’en apprit davantage sur ce qui<br />

m’était sans doute arrivé et les endroits où j’avais dû aller avant<br />

de me retrouver dans un hôtel pour sans-abris.<br />

Déjà, les morceaux de ma mémoire se recollaient, mais sous<br />

le calme de surface que je m’efforçais de préserver, attendait<br />

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