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La séparation

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grandissait rapidement, mais nos avions étaient aussi équipés<br />

d’instruments électroniques de plus en plus complexes destinés<br />

à faciliter la navigation, la localisation des cibles et la défense.<br />

Certaines des meilleures escadrilles, les « éclaireurs »,<br />

gagnaient à présent les régions concernées avant le gros des<br />

troupes pour situer les endroits choisis puis y larguer des<br />

repères, que les autres bombardaient ensuite. Personne ne<br />

prétendait plus que nous nous cantonnions aux installations<br />

industrielles et militaires : la RAF suivait clairement une<br />

politique de zone, par laquelle elle cherchait à détruire les<br />

demeures, les écoles, les hôpitaux, les occupations de la<br />

population civile allemande.<br />

J’entamai mon deuxième tour de service avec une<br />

détermination sinistre, fermant autant que possible mon esprit<br />

à mes interrogations.<br />

Les opérations à mon actif s’accumulèrent peu à peu :<br />

Flensburg, Francfort, Kassel, Brème, Francfort, à nouveau. Nos<br />

supérieurs envoyaient sur chaque cible deux cents bombardiers<br />

minimum, parfois quatre cents, voire davantage. Nous gagnions<br />

en précision, nos pertes commençaient à baisser, nos frappes<br />

devenaient de plus en plus féroces. Les villes, qui à notre arrivée<br />

se défendaient avec ardeur, brillaient à notre départ comme des<br />

braises.<br />

Ces pensées nous étaient insupportables, alors nous ne<br />

pensions qu’à nous, à notre survie personnelle. <strong>La</strong> guerre ne<br />

semblait pas près de s’achever, nous n’étions donc pas près d’en<br />

terminer.<br />

À la mi-septembre 42, après un raid sur Osnabrück, on<br />

m’accorda un week-end de permission. Je passai quelques<br />

heures à errer en moto sur les routes de campagne, puis je<br />

rentrai à la base : je n’avais aucune envie d’aller ailleurs. Deux<br />

jours plus tard, la 52 fut envoyée avec une douzaine d’autres<br />

escadrilles à Berlin Ŕ « la grande ville », comme on l’appelait.<br />

Son immensité lui donnait l’air indestructible, mais chaque fois<br />

que nous nous y rendions, nous faisions de notre mieux pour la<br />

détruire. Cette nuit-là, lorsque nous la laissâmes dans notre<br />

sillage, « la grande ville » brillait dans le noir, vomissant des<br />

torrents de fumée au clair de lune.<br />

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