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La séparation

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ŕ On ne nous a rien dit d’officiel, hein ?<br />

ŕ Vous croyez qu’on nous cache quelque chose ?<br />

ŕ Plutôt quelqu’un, à mon avis. Lors de mon voyage en<br />

Suède, il y avait deux huiles à bord. Des diplomates, je crois,<br />

dont un Allemand. Là aussi, nous avons eu droit au rideau. »<br />

Échanger des hurlements par-dessus le bruit des moteurs<br />

n’étant pas très pratique, le dialogue tourna court. Je retournai<br />

à ma place, où je m’agitai dans le siège étroit pour retrouver une<br />

position confortable, mais le tissu du dossier s’affaissait comme<br />

celui d’une vieille chaise longue sur la plage. Mes yeux se<br />

reposèrent sur le ciel. Malgré ma nuit blanche, je n’avais pas<br />

sommeil du tout. Je me sentais parfaitement réveillé, nerveux à<br />

cause du vol interminable, intéressé par la nouveauté de<br />

l’expérience, pourtant bien monotone. Je suis certain de n’avoir<br />

ni somnolé ni perdu le fil de mes pensées.<br />

Toutefois, je ne remarquai pas aussitôt que nous arrivions en<br />

vue des montagnes. Je m’en aperçus alors qu’elles étaient<br />

encore très loin, à demi dissimulées par la brume hivernale,<br />

mais quelques minutes plus tard, l’avion passait entre les<br />

sommets les plus élevés. Les détails m’en apparurent de mieux<br />

en mieux, des deux côtés de l’appareil, dangereusement<br />

proches, me semblait-il. Comment avions-nous pu les atteindre<br />

aussi vite, après le survol des flots ? Peut-être la terre, vue<br />

d’assez haut, offrait-elle le même aspect que la surface marine ?<br />

Malgré la brume omniprésente, l’ennui des heures précédentes<br />

avait disparu. Les pentes supérieures enneigées des montagnes<br />

étaient un éblouissement, la réverbération du soleil<br />

difficilement soutenable. Le front pressé contre le hublot, je<br />

préférai scruter très loin en contrebas une vallée boisée,<br />

traversée par une rivière sinueuse d’argent luisant. Les<br />

mouvements de l’avion se firent spectaculaires, lorsqu’il se mit à<br />

s’incliner sur l’une ou l’autre aile au bruit changeant des<br />

moteurs, pendant que le pilote ajustait sa course. Des<br />

turbulences alarmantes le secouaient dans sa course zigzagante<br />

à travers l’étroite vallée, dont il frôlait parfois dangereusement<br />

les parois rocheuses. Chaque minute le rapprochait du sol,<br />

jusqu’à ce que, enfin, son nez se soulève, il se stabilise, ses<br />

moteurs se calment. Quelques instants plus tard, il rasait le<br />

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