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La séparation

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ma bouche, sensation agréable. J’en avalai deux ou trois<br />

gorgées, puis je rendis le récipient à la jeune fille.<br />

« Ça va mieux ? interrogea-t-elle.<br />

ŕ Mieux que quand ? Je ne comprends pas ce qui s’est<br />

passé ! Je croyais qu’on était arrivés. On est allés à l’immeuble<br />

de la Croix-Rouge d’Irlam Street ! Tu étais là, avec Ken Wilson.<br />

À l’instant ! Ce n’est pas vrai ?<br />

ŕ Détends-toi, Joe. »<br />

Phyllida donna trois brusques coups de talon contre la<br />

cloison métallique séparant notre compartiment de l’avant du<br />

véhicule. Un instant plus tard, la camionnette ralentit puis<br />

s’arrêta. Le moteur se tut. <strong>La</strong> portière du conducteur claqua.<br />

Ken nous rejoignit par l’arrière. Dehors, il faisait nuit noire.<br />

« Qu’est-ce qui se passe ? Ça va, Joe ?<br />

ŕ Oui…<br />

ŕ Tout d’un coup, il s’est mis à crier, déclara Phyllida. Tu as<br />

dû l’entendre.<br />

ŕ Je crois que je rêvais, lançai-je, brusquement conscient du<br />

sérieux avec lequel ils considéraient mon récent comportement.<br />

Un cauchemar ou quelque chose comme ça. »<br />

L’explication ne me semblait pas très convaincante. <strong>La</strong><br />

séquence n’avait rien d’onirique : elle avait succédé sans heurt à<br />

la réalité dans laquelle je me retrouvais inexplicablement plongé<br />

pour la deuxième fois. Les rêves sont brefs quoique étranges,<br />

mais j’avais vécu là quelque chose de différent. Je me rappelais<br />

être resté allongé de longues heures creuses sur la civière<br />

inconfortable, moitié endormi moitié conscient, plein d’ennui et<br />

agité, pressé de rentrer chez moi, pendant que nous roulions<br />

dans la nuit. Une scène tellement banale qu’il ne m’était pas<br />

venu à l’esprit de douter de sa réalité. J’étais arrivé à<br />

Manchester Ŕ je l’avais cru Ŕ, insensibilisé par l’épuisement<br />

mais soulagé. J’avais trouvé mon second souffle en gagnant<br />

lentement la gare à pied, afin de prendre le premier train pour<br />

Macclesfield. Épisode morne, routinier, sur fond de pensées<br />

lucides, dépourvu de la concision et surtout de l’étrangeté<br />

particulière qui caractérisaient le plus souvent mes rêves. Avaisje<br />

rêvé le train glacial aux vitres sales ? Imaginé la longue<br />

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