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La séparation

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petites pour supporter mon poids, échappaient de toute<br />

manière aussitôt à mon étreinte.<br />

L’épuisement me gagnait : j’étais fatigué de lutter, tenté de<br />

renoncer, de laisser la mort me prendre. Une fois de plus, je me<br />

suis étouffé, une eau salée au goût de vomi m’est remontée dans<br />

le nez et la bouche. Ça y était, je n’aspirais plus que de l’eau. Je<br />

me suis abandonné, j’ai glissé en arrière, m’autorisant enfin à<br />

me détendre, pendant que mes vêtements de vol alourdis me<br />

tiraient vers le fond. Quel soulagement que de céder à la mort,<br />

d’entrevoir l’obscurité qui m’attendait. <strong>La</strong> fureur de vivre avait<br />

disparu.<br />

Pourtant, lorsqu’une vague m’est passée sur le visage, des<br />

bulles ont jailli de ma bouche. J’avais aspiré de l’air, j’ignorais<br />

comment.<br />

Une fois de plus, je me suis débattu pour remonter à la<br />

surface, haletant.<br />

Près de moi, obscure et silencieuse, se dessinait la forme<br />

ronde du canot de sauvetage qui s’était gonflé automatiquement<br />

lors de l’impact. <strong>La</strong>nçant un bras en l’air, j’ai attrapé une<br />

enfléchure dans laquelle j’ai réussi à glisser le coude. Un<br />

deuxième effort interminable, avec la douleur qui jaillissait de<br />

ma jambe, m’a permis de passer l’autre bras dans le cordage.<br />

Je suis resté accroché là, enfin à l’abri, au-dessus de la<br />

surface, à respirer avec un affreux désespoir hoquetant, mais à<br />

respirer. Peu à peu, mes halètements se sont calmés. Respirer<br />

est redevenu presque normal. À présent, lorsque la mer agitée<br />

se soulevait assez pour me gifler d’une vague, j’arrivais à retenir<br />

mon souffle une seconde ou deux, à m’ébrouer puis à inspirer,<br />

une nouvelle fois. Je n’allais pas me noyer, finalement.<br />

D’autres ennemis hurlaient à mes oreilles : le froid et la<br />

douleur.<br />

Il fallait que je me soulève hors de l’eau, que je passe pardessus<br />

la paroi gonflée du canot puis que je me laisse tomber<br />

dans ses profondeurs caoutchoutées, où j’attendrais les secours<br />

relativement au sec.<br />

D’une manière ou d’une autre, par cette nuit de mai glaciale,<br />

malgré la forte houle, malgré la souffrance et la faiblesse, j’ai dû<br />

y arriver, parce que dans mon souvenir suivant, l’aube<br />

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