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La séparation

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Bien à toi,<br />

177<br />

BIRGIT<br />

Entretenir même un vague espoir avait été pure sottise de ma<br />

part, mais en lisant cette lettre, je pris conscience de la force de<br />

mon espoir. J’avais compté sur Birgit, si irréaliste que ce fût.<br />

Ensuite, je m’aperçus peu à peu que ce genre de missive était<br />

monnaie courante, au camp. L’arrivée du courrier et des colis de<br />

la Croix-Rouge constituait toujours un événement très attendu,<br />

invariablement suivi cependant d’un calme général où perçait le<br />

malaise. Être prisonnier, c’était ça : la vie de ceux que nous<br />

aimions continuait sans nous, même si nous avions du mal à<br />

l’accepter. Voir balayer un espoir est chose terrible. Après<br />

réception de la lettre de Birgit, je restai des semaines déprimé,<br />

inconsolable, le plus solitaire possible.<br />

Enfin, l’essentiel de la déception s’évanouit. J’acceptai que<br />

tout fût terminé, car rien n’avait plus d’importance que le<br />

bonheur et la sécurité de Birgit ; du moment que je n’avais pas à<br />

la voir, je pouvais vivre sans elle. Lorsque je l’évoquais comme<br />

une partie de ma vie, je traversais des affres de chagrin, de<br />

jalousie et de solitude, mais elle était définitivement sortie de<br />

mon existence.<br />

Avec des pièces détachées volées aux Allemands, les<br />

occupants de la hutte 119 construisirent une radio, qui nous<br />

permit d’écouter les nouvelles de la BBC à partir de la mi-43.<br />

Nous fûmes alors informés de l’évolution du conflit : le carnage<br />

et les souffrances sur le front russe, la campagne difficile Ŕ<br />

menée par les États-Unis dans les îles du Pacifique, l’invasion<br />

de l’Italie et l’effondrement du régime mussolinien. Après le<br />

débarquement, en juin 44, la certitude que les Alliés gagnaient<br />

enfin la guerre intensifia encore notre envie de rentrer chez<br />

nous. Une fois de plus, l’espoir de voir notre calvaire prendre fin<br />

rapidement s’emparait de nous. Il n’y avait rien à faire<br />

qu’attendre les secours avec impatience. Les jours, les mois se<br />

traînaient.

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