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La séparation

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s’avançaient deux limousines noires qui apparaissaient et<br />

disparaissaient entre les troncs, se dirigeant elles aussi vers<br />

l’appontement. L’appareil était en vue, à présent ; le bruit de ses<br />

moteurs se répandait à travers la forêt silencieuse. Il s’éloignait<br />

de nous, rasant presque la surface du grand plan d’eau privé.<br />

Je descendis vivement les escaliers puis traversai la vaste<br />

pelouse pentue menant au lac. Au loin, l’hydravion virait pour<br />

revenir vers nous.<br />

Depuis le matin, je luttais contre une impression d’irréalité,<br />

persuadé de payer le surmenage et les couchers tardifs. Non<br />

seulement je manquais de sommeil depuis des semaines, mais<br />

les événements de la journée avaient de toute manière quelque<br />

chose de fantastique : la rapidité à laquelle nous avions terminé<br />

le traité, l’énorme demeure, isolée sur ses terres, l’entretien avec<br />

Rudolf Hess. Et, pour couronner le tout, une remarque du nazi :<br />

l’accent qu’il avait mis sur la RAF, l’affirmation qu’une surprise<br />

m’attendait dans l’hydravion.<br />

Je croyais savoir de quoi il s’agissait, et je craignais fort de ne<br />

pas me tromper.<br />

Mon frère apparaissait dans presque toutes mes<br />

hallucinations lucides, lesquelles menaient d’une manière ou<br />

d’une autre à une confrontation menant elle-même à mon<br />

brusque retour à la vie réelle. Planté dans la fraîche lumière<br />

nordique, pendant que l’appareil blanc frôlait le sommet des<br />

arbres, je ne doutais pas de découvrir à son atterrissage que<br />

Jack était aux commandes.<br />

Je parcourus des yeux le paysage suédois serein, la forêt, le<br />

lac, l’imposante demeure, mes collègues dispersés qui<br />

s’empressaient d’aller accueillir les arrivants. Comment<br />

pouvais-je bien imaginer quelque chose d’aussi subtil, d’aussi<br />

complexe, d’aussi imprévisible ? Fallait-il laisser l’hallucination<br />

suivre son cours ou la fuir ? Il m’était arrivé une fois, à mon<br />

grand regret, finalement, d’en vivre une jusqu’au bout ; mais un<br />

jour, en comprenant de quoi il s’agissait, j’avais aussi décidé<br />

d’écourter la crise. Dans les deux cas, l’expérience s’était révélée<br />

traumatisante.<br />

Deux négociateurs quakers de mon équipe, sortis après moi,<br />

me dépassèrent.<br />

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