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Le « Weston

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circulaient parmi les abris de fortune, distribuant nourriture et<br />

médicaments. <strong>Le</strong> lieutenant ne voulait pas qu’on le reconnût.<br />

Caroline savait qu’il redoutait d’être capturé comme<br />

déserteur. Ce qu’il était, au sens littéral du mot. Sans doute<br />

avait-il du mal à le supporter, mais il refusait d’en parler.<br />

<strong>«</strong> Je n’étais guère qu’un comptable, disait-il. On ne me<br />

regrettera pas beaucoup. »<br />

Au troisième jour de leur vie dans la cité de tentes, la<br />

nourriture s’était faite rare, mais des rumeurs optimistes<br />

circulaient : un vapeur de la Croix-Rouge remontait la Tamise ;<br />

les Américains avaient été vaincus en mer. Caroline ne leur<br />

prêtait qu’une oreille distraite. Elle savait ce que c’était que les<br />

rumeurs. Il lui suffisait que le feu parût enfin sur le point de<br />

s’éteindre, avec l’aide d’une pluie de printemps glaciale. <strong>Le</strong>s<br />

réfugiés parlaient de reconstruction, ce qu’elle estimait ridicule :<br />

la reconstruction de la reconstruction d’un monde disparu,<br />

quelle folie.<br />

Elle passa l’après-midi à errer parmi les maigres feux de<br />

camp et les tranchées de latrines fétides, à la recherche de son<br />

oncle et de sa tante. Elle regrettait de s’être fait si peu d’amis,<br />

d’avoir mené à Londres une vie si insulaire. Apercevoir un<br />

visage familier eût été un plaisir, mais elle ne connaissait<br />

personne ; enfin, elle découvrit Mrs. de Koenig, qui avait<br />

souvent veillé sur Lily. La vieille femme, solitaire et morose,<br />

était enveloppée d’une bâche ruisselante, les cheveux emmêlés<br />

et mouillés ; il lui fallut un moment pour se rappeler Caroline.<br />

Lorsque cette dernière lui demanda des nouvelles d’Alice et<br />

de Jered, son interlocutrice secoua la tête, l’air misérable.<br />

<strong>«</strong> Ils ont attendu trop longtemps. <strong>Le</strong> feu a dégringolé Market<br />

Street comme un être vivant.<br />

ŕ Ils sont morts ? hoqueta Caroline.<br />

ŕ Je suis désolée.<br />

ŕ Vous en êtes sûre ?<br />

ŕ Aussi sûre que de la pluie. » <strong>Le</strong>s yeux rougis de Mrs. de<br />

Koenig étaient emplis de tristesse. <strong>«</strong> Je regrette,<br />

mademoiselle. »<br />

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