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DOSSIER<br />

cesse de ménager autour<br />

d’eux des espaces d’intimité,<br />

seuls ou à plusieurs.<br />

Car il y a plusieurs<br />

facettes à cette notion,<br />

qui ne se résume pas au<br />

secret ou à la solitude.<br />

Et voulons-nous, savonsnous<br />

accueillir l’intime,<br />

ménager ces espaces<br />

d’intimité, au-delà du<br />

fonctionnalisme qui prévaut<br />

le plus souvent, dans<br />

l’architecture, dans l’organisation<br />

des espaces<br />

publics, le mobilier, dans<br />

DR<br />

À la bibliothèque d'Illkirch (67)…<br />

les règlements ? Pourtant, c’est bien d’un double mouvement<br />

dont il s’agit : si l’on vient à la bibliothèque rechercher<br />

un espace intime, c’est aussi parce que l’on pourra en sortir<br />

aussitôt, opérer un déplacement, un mouvement vers l’autre,<br />

vers l’échange, impossible dans la solitude de chez soi. Ce qui<br />

constitue en soi une de nos missions, invoquée souvent par<br />

la notion de « lieu de sociabilité », dont il faut que nous ayons<br />

une vision dynamique et non statique.<br />

Il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’est « l’intime » :<br />

qu’en dit le « Robert culturel » ? Et pour chacun des sens, quel<br />

rapport possible peut-il y avoir avec la bibliothèque ?<br />

L’intime, c’est d’abord ce qui est « secret, invisible, impénétrable,<br />

profond », propre à une seule personne. Plus encore<br />

que l’acte de lire, c’est ce que l’on pense, rêve, éprouve pendant<br />

la lecture. C’est l’invisible aux autres. Premier élément<br />

à prendre en compte dans l’architecture et l’aménagement :<br />

une personne recherchera dans la bibliothèque un espace<br />

d’isolement, de « retrait » où n’être pas dérangée. Et s’il s’agit<br />

de la « lecture », et surtout des échanges autour de la lecture,<br />

et non de la « recherche d’information » ou du travail de<br />

formation, l’attitude adoptée ne sera pas la même : ce n’est<br />

plus d’une table et d’une chaise dont le lecteur a ici besoin,<br />

mais d’un fauteuil profond… Il cherchera aussi une discrétion<br />

maximale de la part de l’institution, cherchera à échapper au<br />

regard et au jugement supposé possible des professionnels<br />

– mais pas forcément des autres usagers du lieu.<br />

L’intime, c’est aussi le partage, c’est ce qui est « très étroitement<br />

lié avec quelqu’un : ami, confident, familier ». On dit<br />

« le cercle des intimes », comme « le cercle de famille ». On<br />

vient à la bibliothèque partager cette « intimité à plusieurs » :<br />

on vient avec un ou deux amis, deux ou trois parents, sa petite<br />

DR<br />

Un siège où se vautrer.<br />

bande. On recherchera alors un lieu où « se poser » en cercle<br />

d’intimité ; à défaut, on le créera, en rapprochant des chaises<br />

ou des fauteuils, et en suscitant un relatif isolement autour<br />

du petit groupe ainsi créé, au sein duquel la parole est alors<br />

essentielle.<br />

L’intime comprend aussi tout ce qui a trait au corps, voire<br />

à la sexualité. On distingue par exemple les postures intimes,<br />

ou les gestes intimes, que l’on adopte en principe chez soi,<br />

mais qui sont possibles en public, si l’on feint de croire que les<br />

autres ne verront rien, ou si l’on s’y abandonne en oubliant le<br />

lieu où l’on est. S’asseoir en tailleur au milieu des travées, se<br />

« vautrer » quand un canapé l’autorise, s’allonger ou s’asseoir<br />

par terre adossé à un mur, se poser au milieu d’un escalier,<br />

téléphoner à voix basse, lire – un MP3 sur les oreilles –, rêver,<br />

s’embrasser, parfois s’endormir un moment sont autant de<br />

postures intimes.<br />

L’intime, c’est aussi ce que l’on partage de soi : des confidences,<br />

des propos intimes, un journal intime. Partage pour<br />

lequel la bibliothèque, un lieu public, offre un cadre rassurant<br />

dans un espace voué par définition à la relation. Prendre sur<br />

un chariot les livres que « l’autre », au sens plein du terme,<br />

vient de rapporter, c’est prendre un livre qui porte la marque<br />

encore chaude du lecteur précédent, c’est se saisir de ce que<br />

cet autre vient de lire, c’est partager avec lui une connivence,<br />

une intimité. Pourquoi voit-on encore tant de monumentales<br />

banques de retour derrière lesquelles sont stockés les chariots,<br />

en attente de rangement, le lendemain souvent – quand<br />

les livres seront « refroidis » ?<br />

L’intime désigne enfin des choses, un environnement particulier<br />

et protégé : on parle de l’intimité d’un lieu. Intimité<br />

caractérisée par une « ambiance » générale, des éclairages, le<br />

JEAN-FRANÇOIS JACQUES Intimité 9

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